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d’empire. Aujourd’hui on peut dire qu’il règne presque sans partage sur ce globe qui, un moment, avait paru vouloir se dérober à sa puissance. C’est lui qui, par sa masse, enchaîne la terre dans son orbite ; c’est lui qui, seule source de lumière et de chaleur, semble enfanter partout le mouvement et la vie. La météorologie presque tout entière se rattache à des actions solaires directes ou indirectes, et la nature organisée semble trouver, dans l’action vivifiante de ses rayons, une réalisation incessante de la fable de Prométhée.

De tout temps, la météorologie a été pour M. de Humboldt une étude de prédilection. Il l’a enrichie d’un nombre immense d’observations ; il a étendu son domaine en montrant les rapports qui l’unissent à la géognosie, à la géographie physique. Le premier il a coordonné une multitude de faits épars, découvert les lois empiriques qui les régissent, et élevé pour ainsi dire certaines branches de la météorologie au rang des sciences exactes. Aussi la partie que l’auteur de Cosmos a consacrée à cet ordre de phénomènes est-elle une des plus intéressantes et des plus instructives. La répartition de la chaleur solaire, la description des climats dans ce qu’ils ont de plus général, ont surtout attiré l’attention de M. de Humboldt. Nul, on le sait, ne pouvait s’exprimer sur ces matières avec une autorité égale à celle de l’auteur des recherches sur les Lignes isothermes, et, s’il nous est permis d’exprimer un regret, c’est que M. de Humboldt n’ait pas placé ici une de ces digressions détaillées comme il en a fait en faveur des comètes, des aérolithes et du magnétisme terrestre.

M. de Humboldt a donné le nom de lignes isothermes à des lignes idéales qui réuniraient les divers points du globe où la température moyenne de l’année est égale. Cette température moyenne a été déterminée, sous l’équateur, par des observations précises, et M. de Humboldt, après avoir pris toutes les précautions nécessaires pour éliminer l’action des causes perturbatrices locales, a cru pouvoir la fixer à 27,5 degrés au-dessus de zéro. Au pôle, l’observation directe est impossible ; mais M. Arago, combinant les moyennes obtenues tant en Amérique qu’en Europe, regarde comme probable que la température moyenne du pôle nord est de 25 degrés au-dessous de zéro. Entre ces deux extrêmes que sépare un intervalle de 52,5 degrés, on peut rencontrer tous les intermédiaires.

Si la surface de notre globe était partout la même, si les couches d’air qui l’enveloppent demeuraient sans cesse immobiles, la chaleur solaire se répartirait d’une manière régulière, et l’on pourrait tracer sur la carte une série de lignes parallèles à l’équateur dont tous les points présenteraient une température moyenne égale ; mais la surface terrestre est loin d’offrir cette uniformité. La terre et l’eau se disputent son étendue ; les montagnes, les plaines et les vallées se partagent les