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le soleil qui nous éclaire. Dans ce mouvement progressif de concentration, la matière cosmique a laissé en arrière des portions de la nasse principale, peut-être déjà en partie agglomérées autour de centres secondaires, à peu près comme la mer, en se retirant au moment du reflux, abandonne sur la plage en lignes parallèles, et parfois presque régulièrement espacés, les corps qu’elle tenait en suspension. Ce sont ces lambeaux qui, se concentrant à leur tour et reproduisant les mêmes phénomènes, ont donné naissance aux astéroïdes dont nous venons de parler et aux planètes tantôt groupées, mais indépendantes, comme les cinq petites planètes qui entrelacent leurs orbites entre Mars et Jupiter tantôt isolées comme Mercure, tantôt escortées de satellites comme la Terre ou Saturne.

Le globe terrestre, d’abord simple nébuleuse, est arrivé, par une condensation progressive, à cet état liquide dont les traces irrécusables se lisent de nos jours dans sa forme, dans ses dimensions exactement mesurées. Déjà, on le voit, la théorie d’Herschell conduit très naturellement à un des résultats les plus positifs de l’expérience et de l’observation. Mais cet état fluide, dû à une température dont il nous est possible aujourd’hui de calculer au moins la limite inférieure, ne pouvait être pour la terre qu’un état de transition. Isolée dans l’espace, lançant de tous côtés des rayons calorifiques dont aucun corps ne lui renvoyait l’équivalent, elle a dû se refroidir, et se refroidir d’abord par sa surface. Il s’est formé une croûte solide qui a peu à peu revêtu et emprisonné l’océan de feu dont elle avait fait partie. Dès ce moment a commencé, entre cette enveloppe et la lave qu’elle comprimait, une lutte formidable dont notre globe porte partout les profondes empreintes. L’ensemble des phénomènes géologiques se rattache évidemment aux actions et réactions que l’intérieur encore liquide de notre globe et sa couche solide extérieure exercent l’un sur l’autre. Ce sont elles qui ont successivement élevé les continens et creusé les mers, soulevé les montagnes et engendré les vallées ; ce sont elles qui de nos jours encore ébranlent parfois la mince écorce que nous habitons, qui déterminent les tremblemens de terre et ces phénomènes volcaniques que jamais mortel n’a contemplés sans un mélange d’admiration et d’effroi. Ici la théorie d’Herschell donne la main à celle de Fourier sur la chaleur centrale, aux grandes idées géologiques de MM. de Buch et Élie de Beaumont. N’y a-t-il pas dans cet accord une confirmation remarquable pour l’ensemble, sinon pour les derniers détails, de ces doctrines qui, prenant naissance dans l’examen des faits les plus divers, semblent se coordonner et s’enchaîner si naturellement les unes aux autres ?

Aujourd’hui l’on peut presque affirmer que notre terre n’est qu’un soleil encroûté. L’existence du feu central, si intimement liée comme conséquence à la théorie nébulaire, est devenue en quelque sorte une