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l’exploitation des mines dans les montagnes du Fichtelgebirge. Un an après, il publiait un travail relatif à la faune de Freyberg, destiné principalement à faire connaître les cryptogames ou végétaux inférieurs qui tapissaient les galeries souterraines confiées à sa surveillance.

Mais une carrière qui le condamnait à des habitudes sédentaires ne pouvait convenir à l’élève du compagnon de Cook. Déjà dominé par la passion des voyages, M. de Humboldt visite rapidement la Hollande, la France, l’Angleterre, et publie en deux volumes le récit de ses excursions sur le Rhin. Puis il retourne à Goettingue, se livre sous les yeux de Soemmering à l’étude pratique de l’anatomie, s’exerce aux analyses et aux manipulations chimiques, et, faisant déjà aux questions les plus difficiles l’application de ces diverses sciences, il publie des recherches sur la germination, sur la respiration des plantes, sur l’analyse de l’air, sur l’irritabilité des fibres nerveuses et musculaires par le galvanisme. Ce dernier travail fut surtout remarqué. Pour donner à ses résultats toute la certitude possible, l’auteur n’avait pas craint de faire sur lui-même des expériences douloureuses, et, à l’aide de vésicatoires, il s’était enlevé par plaques la couche tégumentaire épidermique, afin de mettre immédiatement en contact avec l’agent irritant les parties sensibles de l’organisme.

Au reste, tous ces travaux n’étaient pour M. de Humboldt qu’un moyen de se préparer à l’accomplissement d’un projet qui a été le rêve de sa vie entière sans qu’il ait jamais pu le réaliser. Les conversations de Forster lui avaient inoculé la passion des voyages lointains celles qu’il avait eues avec son frère lui faisaient regarder l’Asie méridionale comme la contrée la plus propre à récompenser par une ample moisson de découvertes les fatigues et les périls de l’expédition, et le jeune savant appelait de tous ses vœux le moment où il lui serait permis de sonder les mystères de cet antique berceau du genre humain. La guerre qui désolait l’Europe et opposait des obstacles sans cesse renaissans à l’accomplissement de ses désirs sembla lui offrir une occasion des plus favorables : il la saisit avidement.

C’était après le siège de Mayence. Des pourparlers s’échangeaient entre les armées belligérantes, et M. de Humboldt, secrétaire du prince de Hardenberg, était chaque jour envoyé en mission au camp de Moreau. Là, il rencontra Desaix, alors chef d’état-major de ce général, et qui se distinguait, au milieu des rudes soldats de la république, par la douceur de son caractère. Les deux jeunes gens se lièrent intimement. Desaix confia à son ami les desseins encore secrets de Bonaparte et le projet de l’expédition d’Égypte. Arriver dans l’Inde en passant par la terre des Pharaons, c’était pour M. de Humboldt plus qu’il n’eût osé espérer. Aussi son parti est-il pris sur-le-champ. Il quitte les armées allemandes, se rend à Paris, et sollicite auprès du directoire la permission d’accompagner