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glorifient. La position de la mère au sein de la famille, l’intimité de la vie conjugale, les habitudes de fidélité mutuelle, sont cent fois plus favorables à la vraie civilisation que la polygamie d’un islamisme corrompu, l’impuissance et l’abaissement des femmes dans les relations habituelles de la vie.

Telles sont, avec leurs diversités d’origine et de caractère, les races qui peuplent l’île de Borneo. Par une circonstance heureuse, l’élément dyak domine sur les possessions de M. Brooke, dans la province de Sarawak. Les Malais n’y sont pas très nombreux. Les industrieux colons chinois semblent portés à s’y multiplier. Quelle devait être, au milieu de ces races divisées, qui ne s’unissent point par le mariage, la première préoccupation d’un Européen nourri dans les idées de la civilisation chrétienne ? C’était évidemment de tendre vers le règne ultérieur d’une harmonie complète, et d’assurer, dès ce moment, à tous une égale liberté, une sécurité pareille, une pleine garantie contre la violence. Élever peu à peu les tribus sauvages jusqu’à la dignité d’homme, d’où elles sont déchues, voilà le but indiqué à tout effort généreux. Ces pensées ont inspiré les premiers actes du gouvernement de M. Brooke et guidé sa politique. Entendu de cette façon, son rôle se lie aux intérêts généraux de l’humanité. Sa conduite journalière atteste le sentiment fort juste que l’action civilisatrice doit s’exercer avec patience et avec un mélange réfléchi de douceur et de fermeté. Une réforme trop hâtive et trop pétulante compromettrait le succès en donnant au bien les apparences de l’oppression. Le sauvage est un malade ou un convalescent auquel la nourriture doit être mesurée d’après la parfaite connaissance de ses forces intellectuelles.

M. Brooke commença par instituer un tribunal qu’il présidait lui-même avec l’assistance volontaire d’un frère de Muda-Hassim. Ce tribunal offrait un recours à tous les individus lésés dans leur personne ou dans leurs biens. Une espèce de charte, rédigée en langue malaise, imprimée à Singapore, fut solennellement publiée à Sarawak. La sécurité est garantie par la punition du vol et du meurtre selon les anciennes lois du pays ; l’égalité civile des Malais, Dyaks et Chinois est proclamée avec leur droit d’exercer librement leur activité et de jouir en paix du fruit de leur travail ; la liberté du commerce est reconnue par l’ouverture des ports, des rivières et des routes. Le commerce de l’antimoine seul est monopolisé au profit du gouverneur. Un article de la constitution régularise la levée de l’impôt, jusque-là si arbitraire et si violente. Trois agens, portant le sceau du rajah, prélèveront les contributions annuelles, sans que nulle autre personne ait le droit de rien exiger des Dyaks, ou qu’on puisse les contraindre à vendre leurs marchandises, s’ils ne le veulent pas, comme le faisaient les Malais en fixant eux-mêmes le prix de la vente. Les poids, les mesures et la monnaie