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L’esprit de ruse, d’intrigue, de mensonge, forme le trait le plus fâcheux de leur caractère. Ils sont enclins à la fraude dans toutes les transactions ordinaires de la vie. Les Malais de la ville de Borneo et du nord-ouest sont les plus vicieux et les plus corrompus.

Les navigateurs ont eu le tort d’appliquer le nom de Malais à tous les habitans de l’archipel oriental : c’est une source d’erreurs et de confusions. Les Français, les Anglais, les Allemands, diffèrent moins par leur caractère national que les Malais, les Javanais, les Dyaks, les colons chinois, etc. La race malaise proprement dite tire son origine de Sumatra ; elle a envahi Borneo depuis six siècles environ. De toutes ses émigrations, celle de Pulo-Kalamatan est la plus éloignée du siège primitif. Les Malais sont extrêmement sensuels comme les autres Orientaux, moins lascifs toutefois et moins débauchés que les Malgaches. On ne verrait point le sultan de Borneo se donner le spectacle de ces lubricités gigantesques dont Radama réchauffait son humeur engourdie. Les Malais ont les habitudes et les sentimens qu’engendre la polygamie l’assujettissement du sexe le plus faible, la confusion de l’amour avec la possession. Les femmes ne sont pas très sévèrement enfermées ; elles s’échappent quelquefois, comme le prouve une histoire racontée par le capitaine Henry Keppel. Le médecin de M. Brooke reçut un jour la visite d’une esclave affidée qui lui demanda, de la part d’une des belles captives d’un harem, un entretien secret, dans un lieu solitaire, au milieu des jungles, à la faveur de la nuit. Le médecin crut à une aventure galante ; mais, à l’heure dite, il vit arriver une jeune femme belle et fière, dont la physionomie résolue annonçait des émotions plus sérieuses qu’un amoureux caprice. Cette femme commença par se plaindre de sa dépendance et de sa vie misérable ; elle finit par demander du poison. Du poison ! Était-ce pour elle-même ? Voulait-elle donc quitter la vie avec cette facilité dont les femmes de l’Inde ont donné tant d’exemples ? Non ; c’était à son époux et à son maître qu’elle destinait le breuvage fatal. Quand elle vit le médecin, tout en compatissant à sa douleur, refuser de se rendre à son désir, elle le regarda d’un air étonné comme pour lui dire : Vous me plaignez ; pourquoi ne pas aider à ma délivrance ? Elle ne prononça toutefois pas une seule parole ; elle contint dans son ame ulcérée l’affront du refus, et retourna prendre sa chaîne habituelle. Pauvre cœur déchiré peut-être par la jalousie, et qui devinait, dans la grossière ignorance d’une société barbare, un sentiment plus pur qu’un amour partagé.

Parmi les tribus aborigènes et sauvages, l’inégalité des sexes est moins injurieuse pour la dignité de la femme que parmi les Malais. Cette inégalité dérive seulement de la différence des forces, tandis que les sectaires du mahométisme la fondent sur une infériorité de nature. Les femmes dyaks partagent la rude existence des hommes, suivant,