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de magnifiques espérances. Laboan tient pour ainsi dire à Borneo, dont la sépare à peine un bras de mer étroit de six à sept milles anglais, comme pour l’isoler et rendre sa défense plus facile. Elle peut devenir rapidement un entrepôt où affluera le commerce de cette île immense et celui d’une partie de l’archipel oriental. Les marchands anglais y viendront échanger, contre les produits indigènes, les articles variés de la métropole, de l’Inde et de la Chine. Si le port est libre comme à Singapore, où il n’est point perçu de droits de douane, mais seulement des droits d’excise modérés, le commerce général trouvera dans ce nouvel établissement des avantages qui en assureront le développement et la prospérité. On affirme aussi que l’île de Laboan possède des mines de charbon de terre, et on a constaté la présence de filons considérables dans la partie de Borneo qui l’avoisine. Cette circonstance deviendrait pour l’Angleterre une source nouvelle d’influence, en contribuant à la rendre maîtresse de presque tous les approvisionnemens de charbon dans cette partie du globe. Si de nouveaux différends venaient à éclater avec le céleste empire, les Anglais auraient à Laboan une position inattaquable, d’où il serait aisé de fondre sur leur adversaire et de recommencer avec plus de certitude les triomphes de 1842. En cas de guerre maritime, soit avec une puissance européenne, soit avec les États-Unis d’Amérique, ils cerneront désormais la mer de Chine de manière à en interdire l’entrée au commerce de leurs ennemis.

Tous les avantages politiques et commerciaux de la nouvelle possession ont été parfaitement compris de l’autre côté du détroit. On y a vu un pas de plus vers la domination exclusive de l’Océanie. Assise aux extrémités de l’Asie, à Singapore et à Hong-Kong, l’Angleterre occupe déjà une partie des côtes de l’Australie : vers l’est, elle a Sidney et Port-Philippe ; au sud, Adélaïde ; à l’ouest, ses établissemens de la rivière des Cygnes ; au nord, le nouveau Port-Eslington. Elle est installée dans la terre de Diemen. Elle envoie des missionnaires méthodistes sur les nombreux archipels qui parsèment le Grand Océan ; elle prend des mesures pour réparer dans la Nouvelle-Zélande les fautes du dernier gouverneur ; elle s’établit à Bornéo, cherchant avec une persévérance audacieuse à s’emparer de tous les points placés sur la route du commerce du monde, ou pouvant ouvrir de nouveaux débouchés à son infatigable industrie.

Lorsque nous contemplons les efforts et les conquêtes de la civilisation, la tendance de la race européenne à s’implanter dans l’Océanie comme jadis en Amérique, nous nous plaçons à un point de vue trop élevé pour que le spectacle des agrandissemens coloniaux de nos voisins excite en nous un sentiment d’envie. Chaque peuple prend part à la grande mission de civiliser le monde et d’accroître la sphère de l’activité humaine, suivant son génie, son caractère et ses intérêts. Qu’on