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confession des églises réformées, et zélateurs du repos et de la tranquillité de ce pays de Dauphiné, salut et paix par notre Seigneur Jésus-Christ.

Ce zélateur du repos et de la tranquillité du pays de Dauphiné sort de Valence et se précipite sur Tournon. Là le baron sent que sa mission prend deux caractères, qu’il n’est pas seulement soldat, mais missionnaire. Il lui est commandé, comme il le fut plus tard à Cromwell, de détruire la vieille religion catholique et d’enseigner la nouvelle. Les populations tiennent du moins à apprendre ce qu’on les force à pratiquer. Le voilà donc théologien. La Coche passe naturellement second ministre. C’est à Tournon qu’il est forcé, par le vœu des habitans, d’enseigner sa doctrine. Au milieu d’un déjeuner copieux, deux ou trois mille d’entre eux accourent sous ses croisées et lui demandent s’il ordonne ou non de croire à la présence réelle dans le sacrement.

— Réponds-leur que non, dit à La Coche le baron des Adrets, fâché d’être interrompu dans son déjeuner.

— Non ! répond La Coche aux habitans ; non… il n’est pas nécessaire de croire à la présence réelle.

— Faut-il croire aux saints ? demandent-ils encore.

— Que leur répondrai-je, général ?

— Dis-leur que non, et qu’ils me laissent tranquille.

— Mes amis, il est parfaitement inutile de croire aux saints. Le général n’y tient pas.

— Mais voilà, mon général, reprend La Coche, qu’ils veulent savoir de vous s’ils doivent croire à l’infaillibilité du pape.

— Réponds-leur que non, morbleu !

— Braves gens, leur dit La Coche, le général ne veut pas qu’on croie davantage au pape… On y a assez cru… Il a fait son temps.

— Et aux anges ?

— Mon général, leur ordonnez-vous de croire aux anges ?

— Aux anges ?… Attends…

— Mon général, ils s’impatientent…

— Eh bien ! sacrebleu ! laisse-moi déjeuner et dis-leur que j’abolis les anges. Il n’y a plus d’anges, c’est plus simple… Mais ferme vite la croisée, La Coche, car ils finiraient, j’en ai peur, par me demander s’ils doivent croire en Dieu, et je n’ai pas reçu d’ordre à cet égard.

— Mes amis, à dater d’aujourd’hui il n’y a plus d’anges, dit La Coche aux habitans de Tournon en fermant la croisée.

Effrayées par la sanglante leçon infligée aux habitans de Valence, les villes de Romans, de Montélimart, de Saint-Marcellin, imitent la prudente conduite de Tournon ; elles se rangent sans combattre sous les drapeaux des religionnaires. Ces villes cependant n’échappèrent pas