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Italie, le commandement d’une compagnie de gendarmes. Sa rentrée en campagne ne fut pas heureuse ; il se fit battre ou plutôt exterminer par Gonzagues sous les murs de la Mirandole, dont il allait renforcer la garnison. Ses légionnaires furent hachés dans un bois. La revanche ne se fit pas attendre. Brissac, au lieu de blâmer le baron des Adrets, lui donna quatre cents hommes et le nomma colonel-général, avec lettres patentes d’Henri II. Gonzagues est aussitôt chassé de Parme. Volpiano, où des Adrets reçoit trois blessures, Moncalvo et d’autres petites places fortes éprouvent l’incroyable valeur du baron, que le roi élève au grade de colonel des Provençaux, des Lyonnais et des Auvergnats. Ordre lui est ensuite envoyé de retourner former en Dauphiné quinze compagnies de quatre cents hommes. Ces grades successifs et ces missions importantes lui prêtaient, aux yeux de la noblesse dauphinoise, un caractère de puissance qu’il allait, aux prochains événemens, employer au profit de son autorité personnelle, destinée à devenir immense.

Il est temps de dire que la doctrine de Luther, modifiée par Calvin, s’était rapidement propagée dans le midi de la France, et se prêchait déjà publiquement à Romans, à Valence et à Montélimart. Ce n’était pas seulement la nouveauté qui avait séduit les têtes méridionales, beaucoup plus portées, au contraire, par leur organisation ardente, vers les pompes lumineuses du catholicisme que faciles à se passionner pour la forme sévère et froide de la réformation ; mais, presque placés sous le joug immédiat de Rome par leur point de contact avec le comtat Venaissin, les peuples de la Drôme, du Rhône et de la Durance avaient en horreur profonde le régime papal. Poussée jusqu’à l’extravagance du fétichisme hindou, la superstition romaine avait fini par compromettre le dogme, la morale et le culte catholiques. La religion était tombée aussi bas que le blasphème. On croit généralement que la réforme vint porter atteinte dans le midi aux croyances chrétiennes : c’est une monstrueuse erreur. Sans le calvinisme, qui d’ailleurs n’y a pas jeté de profondes racines, le midi tout entier serait devenu une nation d’athées. Il fallait le passage de ce torrent, dont la source était à Genève, pour balayer ces ordures dont le foyer était Avignon, ville savante, il est vrai, mais savante aussi en toute sorte d’abominations et de crimes, ville d’inquisition et d’assassinats, éponge à poison.

Le duc de Guise, gouverneur de la province du Dauphiné, et son frère le grand-prieur de France, menacent déjà les calvinistes. Aidés de Clermont, de Laurent de Maugiron et du baron des Adrets, alors bon catholique, ils lèvent des troupes pour empêcher l’exercice de la religion nouvelle.

On n’en est pas encore précisément aux mains, mais on se méfie, on s’observe de tous côtés. Les partisans de la même opinion se comptent d’un doigt silencieux ; des mots sont dits, des alliances tacites se nouent.