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54e degré, pour exiger le 49e, que l’Angleterre n’essaiera plus de contester. Les grands périls sont donc ajournés, mais le principe d’antagonisme entre la grande démocratie américaine et l’aristocratie britannique n’en reste pas moins un danger permanent pour la paix du monde. Les nouvelles que nous recevons du Mexique constatent que les questions manqueront encore moins dans l’avenir qu’elles ne manquent dans le présent.

Il faut renoncer à rien comprendre à la situation de l’Espagne. Que dire d’un pays où une femme, ayant un matamore pour complice, se joue de toutes les institutions fondamentales ? Que dire de l’opinion constitutionnelle impuissante à se défendre et à se venger, et qui, lorsqu’on lui rend le pouvoir, ne parvient pas, même au milieu d’une crise effroyable, à constituer un ministère ? La situation de M. Isturitz ne se dessine point, et l’on ne comprend pas que, ramené au pouvoir pour sauver le gouvernement représentatif, son premier soin n’ait pas été de demander la convocation immédiate des cortès, et son premier devoir de l’imposer à la couronne. Si une mesure pouvait arrêter les pronunciamientos de la Galice et de Léon, c’était assurément celle-là, et ne pas la conseiller est une faiblesse ou une imprévoyance sans exemple et sans excuse. Du reste, les mouvemens du nord de la Péninsule ne sont pas mieux définis dans leurs causes qu’ils ne sont connus dans leurs développemens véritables. Le général Espartero est probablement le grand meneur de cette tentative, à laquelle des secours abondans expédiés des ports d’Angleterre vont donner des chances assez sérieuses. Il n’y a pas à s’étonner dès-lors si l’on a songé à Madrid à opposer au duc de la Victoire son plus implacable ennemi, et si le général Narvaez a reçu des propositions pour aller prendre le commandement de la Galice. En attendant, l’ancien premier ministre se promène à Bayonne en compagnie de l’infant don Henri, dont le nom est invoqué par les insurgés de Vigo, et qu’il a fait chasser du royaume il y a trois semaines. C’est un imbroglio de plus à ajouter à la triste comédie qui se joue en Espagne. En altérant par un caprice le jeu naturel des institutions représentatives qui pour la première fois se développait heureusement, la reine-mère a assumé une responsabilité bien lourde, et nous souhaitons sans l’espérer que sa noble fille n’en porte pas la peine.

De l’état politique de la Péninsule à celui de ses anciennes colonies américaines, la transition devient malheureusement trop naturelle et trop facile. Nous recevons de notre correspondant du Mexique, ordinairement bien informé, des détails qui ne sont pas sans intérêt sur l’avenir qui se prépare pour ce pays, et sur le caractère de la révolution dont le rival de Santa-Anna a été l’instrument.

Paredes poursuit sans opposition ses desseins. La bourgeoisie s’est ralliée sincèrement à lui aussitôt qu’elle a été convaincue qu’il ne voulait pas le pouvoir pour l’exercer lui-même ; elle a refusé son concours aux généraux qui lui demandaient de l’argent sous le vain prétexte de relever l’administration renversée. La convention nationale convoquée par le dictateur, à l’effet de régler le gouvernement futur de la république, se compose de soixante membres pris, vingt dans l’armée, vingt dans le clergé, vingt dans le haut commerce. Au départ du dernier courrier, les choix n’avaient pas encore été publiés, mais ils sont connus d’avance, et l’on assure que les membres désignés sont l’objet d’attentions délicates de la part des maisons étrangères de Mexico qui favorisent les projets