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du polythéisme grec et les mœurs pythagoriciennes. Il se proclama lui-même le prêtre de toutes les religions, parce qu’il était dans son génie de s’élever à travers toutes les formes extérieures, à travers tous les degrés de la science et tous les états de l’ame à l’ineffable unité.

Les efforts d’intelligence, les combinaisons d’idées, les théories, les doctrines par lesquelles le néo-platonisme sut marcher à son but, composent un des plus curieux chapitres de l’histoire de l’esprit humain. Nous ne sommes pas surpris que des écrivains philosophes en aient fait l’objet de patientes et ingénieuses recherches. Deux remarquables ouvrages nous offrent aujourd’hui l’histoire du néo-platonisme dans des points de vue différens. M. Jules Simon vient de terminer son Histoire de l’École d’Alexandrie, et, dans le second volume de son Essai sur la Métaphysique d’Aristote, M. Félix Ravaisson a donné une grande place aux néo-platoniciens. Tout en appartenant à la même génération philosophique, ces deux écrivains ont porté dans leur sujet une méthode et des opinions différentes, et cette diversité montre combien les mêmes faits sont inépuisables en aperçus variés, quand on les soumet à une observation attentive, pénétrante et fine.

La première partie du travail de M. Jules Simon a été habilement appréciée dans ce recueil[1] : nous n’y reviendrons pas. Le second volume s’ouvre par une exposition des travaux de Porphyre, qui nous montre sous toutes ses faces le génie du disciple de Plotin. Théologie, métaphysique, morale, psychologie, le véhément adversaire des chrétiens sut tout embrasser et approfondir avec une réelle puissance. Il ne s’écarta pas des points les plus importans du dogmatisme de Plotin : il reconnut le même Dieu en trois hypostases, ame universelle, esprit, unité pure. Au-dessus de cette trinité, il plaçait les dieux et les génies du polythéisme, et, en les admettant, il ne croyait pas altérer le dogme de l’unité divine. Toutefois, suivant Eunape, cité par M. Jules Simon, Porphyre, devenu vieux, tomba dans des contradictions. Loin de démentir Eunape, M. Jules Simon lui donne raison en montrant comment dans le siècle de Porphyre la raison la plus ferme pouvait aller tour à tour du scepticisme à une puérile crédulité. Toutefois l’historien de l’école d’Alexandrie reconnaît qu’au milieu de ses erreurs Porphyre est pourtant le dernier défenseur de la philosophie et du sens commun. Avec Jamblique, nous sommes dans les miracles : comme Apollonius de Thyane, Jamblique prétendait à un pouvoir surnaturel. Quant à sa doctrine, on est presque réduit à des conjectures ; ce qui est d’autant plus regrettable, comme le remarque M. Jules Simon, qu’il est constaté que sa philosophie différait sur beaucoup de points de celle de Porphyre. Dans son Essai, M. Félix Ravaisson a voulu suppléer, par le livre des

  1. Article de M. Saisset, Revue des Deux Mondes du 1er septembre 1844.