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Saint Cyrille se chargea spécialement de réfuter l’empereur philosophe. Dans les livres contre Julien qu’il a dédiés à l’empereur Théodose, l’ardent patriarche d’Alexandrie répondit que, comme il est bon de tout savoir, les chrétiens voulaient s’instruire des opinions des païens ; que si, en lisant les livres des Grecs, ils en louaient les beautés de langage, ils en rejetaient les sentimens pour s’attacher aux Écritures, où brille la vérité. Julien avait exalté Platon, saint Cyrille le dénigre et soutient qu’il s’est souvent contredit lui-même. C’est Moïse qui est la source de toute vérité, et, si Platon et Pythagore ont quelquefois émis sur Dieu et sur le monde des opinions plus justes que celles d’autres philosophes, c’est qu’en Égypte ils avaient entendu parler de Moïse et de ses dogmes. Ainsi les chrétiens refusaient à l’esprit grec la puissance d’arriver à la vérité, comme Julien la déniait à l’hébraïsme. Des deux côtés, même injustice, même intolérance. Athènes et Jérusalem n’avaient l’une pour l’autre que des paroles de haine et de malédiction, et cependant toutes deux ont contribué à l’éducation du genre humain. Permettrons-nous aujourd’hui à ces débats passionnés de nous obscurcir la vue de l’unité philosophique de l’histoire ?

Pour revenir au néo-platonisme, les deux moyens qu’il sut employer, afin d’investir la philosophie d’une puissance plus grande, n’étaient pas nouveaux : il revint aux sources de la sagesse orientale, et il concilia les deux doctrines d’Aristote et de Platon dans un seul et vaste système qui devait résumer tout ce que l’homme sur cette terre peut posséder de science et de vérité. Déjà cette conciliation avait été l’objet des efforts de plusieurs philosophes ; déjà aussi quelques pythagoriciens, à la tête desquels il faut mettre Apollonius de Thyane, avaient demandé aux croyances de la Chaldée et de l’Inde une vertu par laquelle ils espéraient donner à la philosophie grecque le prestige d’une religion. Le néo-platonisme usa de ces deux moyens avec une autorité qu’il dut à la persévérance, au génie, à l’accord de ses représentans.

Tout en gardant les uns envers les autres cette indépendance sans laquelle il n’y a pas de penseurs, les néo-platoniciens semblèrent dans leurs travaux suivre un ordre indiqué. Ammonius pose les bases de l’œuvre en conciliant Zénon, Aristote et Platon, et en établissant trois principes : l’ame du monde, l’intelligence, l’unité absolue. Il avait été chrétien, et il avait abandonné la religion nouvelle pour la philosophie, qu’il eut l’ambition de régénérer. Disciple d’Ammonius, qui parlait sans écrire, Plotin eut naturellement la mission de consigner dans des livres nombreux les doctrines de l’école. Il l’accrut en la reproduisant il la vivifia en la pénétrant d’un amour de Dieu insatiable, infini, amour qui lui mérita quatre fois dans sa vie la pleine vision de Dieu, sans l’intermédiaire d’une forme, d’une idée, mais au-delà même de l’intelligence