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manière trop expresse, cette libre éducation ne pouvait échapper à la censure, et, aussitôt que les circonstances l’ont rendue suspecte, elle a été interdite par le cabinet de Berlin. En Hanovre, la sphère étroite de la vie intime est toujours restée plus infranchissable encore, parce que l’instruction est moins répandue, parce qu’il y a moins d’événemens généraux auxquels le pays s’intéresse ; personne ne songe à sortir de l’ombre du parloir, et rien n’attire ailleurs : la vie extérieure, n’ayant point de place où s’installer, n’a pris pied nulle part. Athènes eût-elle été Athènes sans les rendez-vous du Pnyx et les entretiens du jardin d’Académus ? Le toit hospitalier de la Kneipe invite et protège tous ceux qui aiment à parler en commun des affaires communes ; c’est un portique du Forum ou de l’Agora : il y viendra des orateurs ; en attendant, il y naît des poètes. « Uhland, Kerner, Schwab, Moerike, s’écrie M. Vischer dans sa curieuse notice sur Strauss, pourriez-vous oublier ces ravissantes soirées, ces chansons, cet heureux enthousiasme, cette fraternité de la taverne, sans retrancher un grand morceau de votre vie ? » A Goettingue, tout cela manquait, et pourtant on avait osé faire une révolution. C’était semer en un maigre terrain.

L’insurrection de 1831 ne fut qu’un éclair : les étudians, réunis aux bourgeois, n’eurent pas plus tôt déclaré la ville en état de siège, qu’il fallut la livrer aux troupes rangées sur les hauteurs qui la commandent ; mais telle était alors la situation universelle de l’Europe, qu’on ne pouvait nulle part en décliner l’ascendant : le duc de Cambridge, vice-roi de Hanovre pour le roi Guillaume IV, dut signer une charte qui, tout en n’étant pas précisément démocratique, assurait cependant au pays les plus essentielles libertés, et reconnaissait le contrôle des assemblées délibérantes. Un article spécial frappait le souverain de déchéance en cas d’incapacité physique ou morale. Le duc de Cambridge croyait ainsi réserver à sa famille la succession de son frère, le duc de Cumberland, qui, appelé avant lui à la royauté de Hanovre par l’ordre de la naissance, n’avait qu’un fils aveugle pour tout héritier. A peine en possession d’un trône dont on ne lui laissait que l’usufruit, Ernest-Auguste voulut régner à titre moins précaire, et fonder une dynastie ; ce fut là tout le mobile du coup d’état de 1837 : il effaça la clause de déshérence qui atteignait le prince royal, et, pour mieux garantir l’autorité future du monarque, en dépit de son infirmité, il prétendit le faire absolue George IV, encore régent, avait, en 1819, octroyé un parlement à ses sujets de Hanovre, mais il s’était expressément réservé le droit d’en modifier la constitution d’après les enseignemens de l’expérience ou les résolutions de la diète. Ernest-Auguste recourut bravement à ce droit-là, et mit en place d’une charte véritable ces simples lettres-patentes de 1819 ; ce fut ainsi qu’il s’éleva lui-même au-dessus du concours des chambres, et les réduisit à lui servir de conseil, sa volonté devant y