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les tours annoncés ces jours derniers par Angélique Cottin n’ont pas même le mérite de l’originalité. Dans un petit livre fort amusant, publié en 1797 à Paris, sous ce titre : Les Fredaines du Diable, on lit l’histoire d’un marchand luthier, de la rue Croix-des-Petits-Champs, dont les harpes et les violons dansèrent à qui mieux mieux, pendant trois semaines, devant une multitude ébahie. Alors cependant l’Académie n’intervint pas ; on ne fit pas d’expériences, et deux mots d’un commissaire de police suffirent pour faire cesser immédiatement cette momerie.

Les graves accidens arrivés récemment sur certains chemins de fer ont ému à l’Académie des sciences les personnes les plus compétentes en cette matière. Sur la proposition de M. Piobert, la section de mécanique a demandé que l’Académie adressât au gouvernement quelques observations sur un sujet qui intéresse à un si haut point les intérêts et la sûreté des voyageurs. Les conclusions de la commission ont été combattues avec une grande insistance par M. Arago et par quelques-uns de ses amis. Le célèbre astronome demandait que la commission fût invitée à compléter son travail et à signaler au ministre des travaux publics les inventions les plus aptes à prévenir le danger. La commission, par l’organe de MM. Dupin, Poncelet, Piobert et Morin, a repoussé avec énergie les propositions de M. Arago. Ce débat, qui a occupé une séance entière, s’est terminé par un vote fort significatif. Dans la crainte probablement de servir de réclame et de recommander à l’attention du gouvernement des projets d’un mérite douteux, l’Académie a purement et simplement adopté les conclusions de la commission. Plus tard, si le gouvernement le désire, la section de mécanique pourra soumettre à des expériences décisives certaines inventions sur lesquelles il est prudent aujourd’hui de ne pas se prononcer.

A cette occasion, nous ne saurions nous empêcher d’émettre le vœu que les télégraphes électriques qui doivent être établis sur tous les chemins de fer soient principalement affectés au service propre, et pour ainsi dire intérieur, de ces nouvelles voies de communication, et destinés à propager sur toute la ligne les nouvelles et les avis si nécessaires à la sûreté des convois. Rien ne serait plus facile d’abord que de signaler ainsi des cas de détresse, et toute personne ayant quelque habitude des combinaisons mécaniques comprendra qu’il deviendrait également très aisé de remplacer les signaux, si peu utiles, que font les cantonniers sur les chemins de fer, par des signaux simples, et d’un sens clair que l’électricité porterait instantanément à des distances très considérables. Par ce moyen, avec un certain nombre d’appareils peu compliqués, placés par exemple de kilomètre en kilomètre, on pourrait savoir tout ce qui se passe sur la ligne entière, et à l’aide d’un mécanisme qu’il est facile de construire un convoi annoncerait lui-même d’avance son arrivée ainsi que le nombre de kilomètres qu’il a parcourus déjà, sans que l’intervention des hommes fût nullement nécessaire. Nous n’insisterons pas davantage sur ce point : le principe une fois compris, on peut le modifier de mille manières dans l’application, et l’on conçoit qu’à l’aide de tels signaux, chaque convoi étant averti à tout instant de la marche et de la position des autres convois, ces rencontres si fréquentes et si fatales aujourd’hui deviendraient à peu près impossibles. L’idée que nous indiquons ici est fort simple et nous semble mériter l’attention des ingénieurs.

Nous ne nous arrêterons pas aujourd’hui sur l’application qu’on a faite de