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disposés habilement. J’ai entendu louer la ressemblance de la plupart des têtes. Sur ce point délicat, d’ailleurs parfaitement étranger à la peinture, je ne me permettrai pas d’avoir un avis, et je confesse humblement mon incompétence. Je ne sais pas non plus si tous les costumes sont copiés fidèlement. Quelle que soit, à cet égard, l’opinion des témoins, je me borne à dire que le tableau de M. Lami, quoique traité avec une adresse à laquelle l’auteur nous a depuis long-temps habitués, n’a rien de séduisant. A quoi faut-il attribuer la tristesse qui règne dans toute la composition ? Si je ne me trompe, cela tient surtout à ce que les figures manquent de relief et de solidité. Il est possible que l’œuvre de M. Lami plaise par son exactitude, mais elle manque de vie.

Le Salon du château de Windsor et la Réunion en famille dans la galerie Victoria au château d’Eu, de M. F. Winterhalter, sont tout simplement de la peinture de décoration. Si l’auteur a voulu faire un fond de scène, un panneau de salle à manger, nous sommes prêt à reconnaître qu’il a montré un savoir très suffisant pour ces sortes de besogne ; mais s’il croit, s’il prétend avoir peint deux tableaux, s’il veut être pris au sérieux, nous sommes forcé de déclarer qu’il a commis une lourde méprise. Dans le Salon du château de Windsor, dans la Galerie du château d’Eu, il n’y a pas une tête, pas une main dont le dessin ne fît honte à un élève qui voudrait entrer en loge. Il est impossible de pousser plus loin l’ignorance ou le mépris de la forme. En revanche, les vêtemens sont traités avec un aplomb, une sécurité, qui suffiraient peut-être pour faire le succès d’une enseigne, mais qui ne sont dans un tableau qu’un mérite très secondaire. Il ne manque à ces habits, à ces robes de cour, pour contenter l’œil du connaisseur, qu’une seule chose, une chose, à la vérité, assez importante, des corps vivans pour les porter. Sur la foi du Décaméron, on s’est mis à prôner M. Winterhalter comme un peintre appelé aux plus hautes destinées. Dans cette vignette mal dessinée, on a voulu trouver l’étoffe d’un Titien, d’un Van-Dyck. J’aime à croire que M. Winterhalter n’a pas pris cet engouement au sérieux. Toutefois il agit comme s’il était de l’avis du public. Il multiplie ses œuvres avec un sans-façon, une négligence dédaigneuse dont le public n’a pas le droit de se plaindre, digne fruit des applaudissemens insensés prodigués au Décaméron. Il nous semble que M. Winterhalter n’a pas dégénéré ; il n’a pas changé de route. Il produit plus vite, il produit davantage, mais il n’a pas varié, il est demeuré comparable à lui-même. Le portrait du roi, dont l’incorrection et la gaucherie seraient difficilement dépassées, ne doit étonner que ceux qui manquent de mémoire. Quant à ceux qui se souviennent du portrait de la duchesse d’Orléans, le portrait du roi ne les a pas surpris. Il est vrai que le portrait du roi n’est pas d’aplomb, il est vrai que les jambes et le corps ont une forme dont on chercherait vainement le modèle, que la tête n’a pas d’épaisseur, que les mains ne