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le soleil ne tarde pas à développer. Quand cette putréfaction est complète, on procède au lavage, à peu près comme pour le sable aurifère. Ce lavage se fait aussi dans de grandes auges en bois ; on fouille avidement cette horrible décomposition, qui exhale au loin des miasmes empoisonnés, et on en extrait les perles. Celles qu’on pêche ainsi sur toute la côte de Californie, à la mission de la Paz, à Loreto, ne se distinguent pas en général par la blancheur de leur eau et la pureté de leur orient comme les perles de l’Inde ; leur couleur est généralement bleuâtre ; les plus grosses sont même d’une couleur irisée tirant sur le noir-violet ; elles affectent surtout la forme de poires. Ces perles, toutefois, ne laissent pas que d’être d’une certaine valeur, et sont employées à des parures de deuil. Il n’est pas d’ailleurs, sur toute la surface de la république mexicaine, de femme jouissant de quelque aisance qui ne possède un collier de perles d’un grand prix, et ces perles ne viennent que de Californie. On conçoit dès-lors toute l’importance qu’on attache à l’extraction de ces perles, et le grand nombre de spéculateurs qui s’en emparent. Cette pêche dure deux mois.

Une fois la pêche terminée, toute cette population nomade remonte dans les canots qui l’ont amenée ; les Indiens retournent dans les villes louer leurs bras pour un autre travail, les sorcières vont raconter à leurs tribus la puissance de leurs incantations, les rescatadores vont, d’habitation en habitation, réaliser le bénéfice de leurs achats ; les cabaretiers portent ailleurs leurs buvettes, les banquiers leurs baraques de jeu ; les pêcheurs d’écailles, enfin, rapportent à leurs armateurs le fruit de leur campagne, et les deux îles redeviennent désertes jusqu’à la saison suivante. Pendant ce temps, le travail mystérieux qui forme la perle s’accomplit de nouveau ; des monceaux de coquilles de nacres blanchissent sur le rivage et l’encombrent. Primitivement, les navires d’Europe en retour obtenaient une prime pour en débarrasser la grève, en les chargeant comme lest ; plus tard, on payait un droit de deux francs cinquante centimes par tonneau, et maintenant le gouvernement en fait un objet de spéculation, car ce sont, comme on sait, ces écailles qui fournissent la nacre.

À l’époque où j’arrivai devant les îles de Cerralbo et d’Espiritu-Santo, la pêche était en pleine activité. Dès le lendemain, quand je montai sur le pont de la Guadalupe, un spectacle animé frappa mes yeux. Un grand nombre de barques portant des pavillons de diverses couleurs, les unes se croisant, les autres immobiles, couvraient la surface de la mer. Les premières portaient les pêcheurs, qui se disposaient à gagner le large, en quête des carets qu’ils pourraient surprendre endormis à fleur d’eau, tandis que leurs compagnons disposaient, dans les endroits les plus isolés des deux îles, des filets pour les prendre quand ils viendraient paître les algues, les varechs et les autres herbes marines qui tapissent le fond