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et le grand nombre de ces tortues carets dont la carapace fournit l’écaille. Le premier qui découvrit ce placer de perles[1] fut un soldat espagnol qui, au terme d’une aventureuse campagne, se trouva riche de plus de trois cent mille francs. Depuis cette époque, les concessionnaires de ce placer le font exploiter tous les ans pendant les mois de juin et de juillet. L’exploitation des perles tient une grande place dans l’industrie et le commerce du Mexique. Un heureux hasard m’avait conduit sur un des principaux théâtres de cette exploitation ; je voulus en profiter. Deux choses m’intéressaient surtout : l’état de l’industrie perlière d’abord ; ensuite, faut-il le dire ? je tenais à avoir l’explication de la scène étrange qui m’avait frappé avant d’arriver devant Cerralbo, et dont le héros était précisément un pêcheur de perles, José Juan. Je me promis de ne pas quitter ces îles sans avoir satisfait ma curiosité.

Lorsque des hasards ou des recherches font découvrir au Mexique une mine d’or ou d’argent, on en déclare l’existence au gouverneur de l’état, qui en accorde la concession, si toutefois le dénonciateur (c’est ainsi qu’on l’appelle) n’est ni étranger, ni soldat, ni prêtre, et à la charge pour lui de la mettre en exploitation dans le délai d’un an et un jour, faute de quoi la concession retombe dans le domaine public. Les formalités sont les mêmes, à quelques exceptions près, pour les bancs de perles. Une fois ces formalités remplies, on songe aux préparatifs de la pêche.

Les propriétaires du placer qu’on doit exploiter embauchent, parmi les tribus indiennes du littoral de Californie et de celui de Sonora, qui y fait face, le nombre de buzos (plongeurs) dont ils ont besoin. Comme les mineurs, les plongeurs sont à la part, c’est-à-dire que leur salaire consiste uniquement dans une portion du bénéfice qu’on leur abandonne. Dès que les opérations de pêche sont commencées, ils deviennent l’objet d’une surveillance incessante, car on conçoit combien il est facile de soustraire une perle d’un grand prix. Le capataz ou chef d’une brigade est chargé de ce soin. On confie d’ordinaire cette autorité, presque toujours despotique, à un homme que sa force morale ou physique a fait respecter ou craindre de ses camarades.

Ces plongeurs sont accompagnés de leurs familles. À leur suite viennent les sorcières des diverses tribus parmi lesquelles les buzos sont recrutés. Ces femmes, qui exploitent la crédulité indienne, ont pour mission de charmer les requins et d’endormir leur férocité ou leur vigilance. C’est peut-être, de tous les métiers qui viennent s’exercer dans une pêcherie, le plus commode et le plus lucratif. Les rescatadores

  1. Le mot placer désigne un endroit où l’on trouve de l’or ou des perles à fleur de terre ou à fleur d’eau ; le mot mina entraîne avec lui l’idée de travaux souterrains. L’exploitation d’un placer est presque toujours heureuse, et celle d’une mina trop souvent stérile.