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par exemple, gagner l’encéphale et déterminer un état mental tout particulier. Enfin différentes substances introduites dans l’économie pervertissent les facultés : tels sont le vin, le haschich, l’opium. En présence de ces observations, force a été à la physiologie de se demander quelles conditions règlent les manifestations du moral et de l’intelligence, et quelles causes y portent le trouble, laissant, bien entendu, la question d’origine et ne pouvant à aucun prix s’engager dans l’hypothèse qui place hors de l’organe la fonction. Une autre voie l’a conduite au même terme, à savoir la comparaison de l’état mental et de l’état du cerveau aux différens âges. Là en effet une correspondance se manifeste, du même ordre que la correspondance entre les lésions de l’organe et les lésions des facultés. C’est seulement par degrés que l’enfant acquiert les différens pouvoirs qui constituent l’adulte, et par degrés aussi le système nerveux, d’abord confondu sans distinction aucune dans la masse de l’ovule, se dégage, se dessine, s’accroît, et enfin se complète. L’âge auquel la formation et l’accroissement du cerveau marchent avec le plus de rapidité est l’époque de la vie où la somme d’impression que possède l’intelligence a le moins de solidité, une assez longue portion de l’existence ne laissant aucune trace dans la mémoire. Aucun effort ne pourrait arracher au petit enfant des actes intellectuels qui ne seraient pas de l’enfance, et le progrès des facultés est l’aiguille qui indique le progrès de l’organe. A l’enfant succède l’adulte, à l’adulte le vieillard, et alors tout avertit de la décroissance :

Ne te donna-t-on pas des avis, quand la cause
Du marcher et du mouvement,
Quand les esprits, le sentiment,
Quand tout faillit en toi ? Plus de goût, plus d’ouïe ;
Toute chose pour toi semble être évanouie ;
Pour toi l’astre du jour prend des soins superflus.
Tu regrettes des biens qui ne te touchent plus.


Là encore on a été amené à reconnaître une suite de phases, et dès-lors à constater une condition de plus qui coordonne avec l’état physiologique les manifestations mentales. Enfin les études de zoologie comparée ont contribué de leur côté à éclaircir les idées. Pour éviter l’argument inévitable qui se tire de la nature morale et intellectuelle des animaux, il n’aurait fallu rien de moins qu’accepter la fameuse hypothèse de Descartes, qui n’y voulut voir que de pures machines. À ce prix, l’argument tombait ; rien n’était à conclure des animaux à l’homme. Mais l’hypothèse cartésienne faisait trop de violence au sens commun pour avoir quelque portée. C’est au nom de ce sens commun qu’elle s’est attiré la critique de La Fontaine

L’animal se sent agité
De mouvemens que le vulgaire appelle