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par les radicules ! Que d’intermédiaires ! que de rouages compliqués ! que de division dans le travail !

De même, dans le règne animal, le système nerveux va se compliquant, et en même temps croissent les instincts, les passions, les facultés intellectuelles. De la sorte, l’anatomie et la physiologie (ce ne sont, à vrai dire, que les deux côtés d’un même sujet) marquent le niveau qu’occupe un être particulier dans la série vivante. Ce n’est pas que cette série fasse une ligne droite et continue ; mais, toute courbe et brisée, elle n’en représente pas moins un trajet où se placent les espèces par groupes différens. C’est un système dans lequel le plus ou le moins de complication décide du bas et du haut. La considération de la hiérarchie met aussitôt un terme à toutes les hypothèses biologiques : au-dessus et au-dessous, rien ne se peut raisonnablement imaginer, on ne saurait construire ni un animal au-dessus de l’homme, ni un végétal au-dessous du champignon ; mais, dans l’intérieur de la série, il est loisible de se figurer des êtres hypothétiques parfaitement en rapport avec les conditions de la vie. Je n’ai pas besoin d’ajouter que de pareils êtres n’auraient rien de commun avec les imaginations fantastiques des âges primitifs, où l’on voit, accouplées ensemble, des formes radicalement incompatibles. En un mot, la série organique donne à la fois toutes les réalités que le monde présente, et toutes les possibilités que l’esprit serait en droit de concevoir.

De cet arrangement systématique est née une question célèbre, à savoir s’il était vrai que tous les êtres vivans fussent construits sur le même plan. Dans l’hypothèse de l’uniformité de plan, il s’agit de retrouver, d’animal en animal, les organes correspondans. Ainsi, le bras dans l’homme, que devient-il chez les autres mammifères ? que devient-il chez les oiseaux ? que devient-il chez les reptiles et les amphibies ? On peut, jusqu’à un certain point, comparer cette recherche à l’étymologie. Si on demande l’étymologie du mot jour, on le rapprochera sans peine de l’italien giorno, mot où la prononciation fait entendre un d, et qui est identique au latin diurnus ; diurnus, à son tour, dérive de dies, et dies est congénère du day germanique de la langue anglaise ; dès-lors nous sommes amenés au mot sanscrit div, qui signifie luire, briller. De même, si l’on demande l’étymologie anatomique (qu’on me passe cette expression) du bras humain, on retrouvera sans peine cette partie dans le pied de devant des mammifères terrestres. Chez les mammifères marins, qu’on ne s’arrête pas à l’apparence, qu’on fende la peau qui recouvre leurs prétendues nageoires, et l’on y verra un humérus, un avant-bras et des doigts. L’aile des oiseaux, bien qu’elle s’éloigne davantage, est parfaitement réductible au type du bras. Bref, le fil de l’analogie ne se rompt pas, tant qu’on se tient dans le domaine des vertébrés ; mais, quand on passe aux invertébrés, les analogies perdent l’évidence,