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reçoivent la gravitation. L’exemple de l’astronomie, la plus parfaite des sciences après les mathématiques, est décisif en ceci, sans qu’il soit besoin d’aucune autre argumentation.

A vrai dire, la gravitation est une qualité, occulte, en ce sens qu’il n’y a aucun moyen de l’expliquer, et la scolastique n’aurait encouru aucun blâme pour avoir dénommé autant de qualités occultes qu’elle constatait d’effets à elle inexplicables : c’eût été l’affaire de la science subséquente d’en réduire le nombre ; mais, sous l’impulsion des doctrines théologiques, qui régnaient alors, elle supposait des intentions tout-à-fait gratuites. Dire, quand l’eau refuse de monter dans un corps de pompe au-delà d’une certaine hauteur, que la nature a horreur du vide, c’est introduire dans l’observation une chose qui n’y est pas, ce n’est pas représenter fidèlement le fait tel qu’il est vu, tandis qu’en donnant le nom de gravitation à la force qui pousse les masses les unes contre les autres, on ne fait que reproduire abstraitement la chose même.

A côté de l’horreur pour le vide, il faut mettre (car je veux me tenir dans le domaine de la biologie) la force médicatrice attribuée à l’économie vivante. C’est un autre exemple de cette erreur qui fait outrepasser à l’esprit les données de l’expérience. Admettre que les lésions pathologiques sont réparées intentionnellement, c’est changer le caractère de l’observation pure. Quelques mots vont le démontrer. Ce qui favorisa l’illusion et l’entretint jusque dans ces derniers temps, c’est qu’en effet il s’exécute dans le corps malade des travaux de réparation compliqués. Un os est rompu ; bientôt un liquide s’épanche, se solidifie peu à peu, et réunit les deux fragmens ; un canal médullaire se creuse dans la substance de nouvelle formation, et à la longue la soudure est complète.

Maintenant tournons la médaille et voyons-en le revers. Un serpent à venin subtil enfonce ses crochets dans la chair ; comme il n’y a de danger que si la substance malfaisante est absorbée et entre dans la circulation, que faut-il faire ? Détruire le venin dans la partie blessée, et, pour cela, nous qui n’avons que des ressources bornées, nous y portons le feu ou un caustique chimique. Au contraire, que fait la nature ? elle se hâte de pomper le poison comme elle pomperait une matière salutaire, et bientôt éclatent les accidens redoutables qui amènent la mort. Quand du fluide de petite vérole est inoculé, au lieu de le circonscrire et de l’éliminer, elle l’introduit dans l’économie, et, comme un de ces animaux ombrageux qui, effarouchés, se lancent au hasard dans toutes les directions pour échapper aux apparences du péril, elle s’agite sous l’impression de l’agent délétère, bouleverse l’économie et compromet la peau, les intestins, les voies aériennes, le cerveau, en proie qu’elle est à un ennemi qu’elle n’aurait pas dû recevoir. De l’opium arrive dans l’estomac : si le viscère s’en débarrasse en toute