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anciens l’Égypte, dans les temps modernes l’Inde et la Chine. Ce seul aperçu indique combien encore nous manquons de véritable histoire on s’attache exclusivement à consigner les révolutions des empires et les luttes des armées, et on laisse inaperçu ce travail souterrain des sciences qui, modifiant l’état mental du genre humain, en modifie l’état social bien plus que ne font les événemens militaires et les calculs politiques.


II - DIVISION GÉNÉRALE.

Après ce coup d’œil jeté rapidement sur l’histoire et le rôle de la physiologie, entrons dans l’examen des parties qui la constituent. On donne le nom de fonctions à des engrenages particuliers dont le concours forme le système total ; telles sont la respiration, la circulation, la digestion, etc. Dans le classement de ces actes, M. Müller a implicitement suivi l’ancienne division en trois fonctions générales, à savoir la vie végétative ou nutrition, la vie de relation ou sensibilité et mouvement, la vie de l’espèce ou génération. La nutrition et la génération sont seules dans les plantes ; la sensibilité est en plus dans les animaux. On se tromperait toutefois si on regardait cette dernière fonction comme quelque chose de totalement à part et hétérogène, et si l’on voyait dans l’animal une juxtaposition de deux êtres différens. La sensibilité procède de la nutrition, l’animal du végétal ; les tissus nerveux et musculaires sont, comme la plante, composés de cellules et développés d’après le même principe. Il y a plus : chez les animaux supérieurs, l’exercice de la sensibilité dépend d’une condition indispensable, à savoir le contact incessant du sang oxygéné. Si la respiration s’interrompt, le cœur a beau battre et envoyer le sang dans toutes les parties, l’animal succombe rapidement asphyxié. De la sorte se trouvent unies étroitement la nutrition et la sensibilité.

En somme, se nourrir, se propager, sentir, sont les trois propriétés secondaires de la propriété primordiale qu’on appelle la vie. Ceci est un mot abstrait sur lequel il faut s’entendre. Quand Newton, ayant découvert que les corps gravitaient entre eux, eut fondé le système du monde, il donna le nom d’attraction à cette propriété fondamentale de la matière. On sait que les découvertes du géomètre anglais eurent peine à prendre pied en France. Les philosophes et physiciens français crurent voir, dans cette notion de l’attraction, une résurrection des qualités occultes, et, formés à l’école de Descartes, ils montrèrent peu de disposition à remplacer par l’idée d’une force primordiale l’idée d’un mécanisme telle que l’avait inculquée le puissant génie encore tout glorifié de sa victoire sur les doctrines scolastiques. C’est une répugnance de même nature qui empêche de recevoir la force vitale comme les astronomes