Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

depuis qu’il est passé dans la chambre haute, lord Stanley n’est plus le même homme. Il semble avoir perdu, en entrant dans l’atmosphère froide et réservée de la chambre peinte, les qualités oratoires qui faisaient tout son mérite. A moins que les circonstances ne retrempent l’énergie éteinte de son caractère, lord Stanley ne sera d’aucun secours à la cause de la protection. A le voir tristement assis sur son banc, osant à peine lever la tête, sourd à toutes les provocations, même quand son honneur est en jeu, il vous serait difficile de reconnaître l’orateur bouillant, impétueux, qui se jetait intrépidement au milieu de la mêlée. Depuis l’ouverture de la session, il n’a pu trouver un mot pour défendre sa cause, pour expliquer sa rupture avec sir Robert Peel, pas même une injure contre les Irlandais, et la discussion du dernier bill lui faisait pourtant beau jeu à cet égard.

Devant l’impuissance des protectionistes et le refus des whigs de prendre le gouvernement, sir Robert Peel demeura donc le maître de la situation. Je n’arrêterai pas votre attention sur des incidens qui vous sont parfaitement connus. Le plan soumis au parlement par sir Robert Peel, les deux discussions dont il a été l’objet dans la chambre des communes, sont des faits sur lesquels il est inutile de s’appesantir. Le vote définitif de cette importante mesure n’aura lieu qu’après les vacances de Pâques, c’est-à-dire pas avant quinze jours. Le succès n’en saurait être douteux ; la cause de la liberté du commerce des grains est gagnée dans la chambre des communes. En sera-t-il de même à la chambre haute ? Voilà le problème qui agite en ce moment tous les esprits. Un quart au moins des pairs ne s’est pas encore prononcé. Des deux côtés, les whippers-in hésitent à émettre une opinion, et sont incapables de se faire une idée exacte des forces respectives des protectionistes et des free-traders.

Toutefois, à mon avis, l’issue du débat est facile à prévoir. Je ne veux pas me lancer à l’aventure dans le champ des suppositions : sur le terrain mouvant de la politique, le rôle de prophète est sujet à de terribles mécomptes ; mais il me semble que l’hésitation n’est pas permise, pour peu que l’on tienne compte des habitudes de la chambre haute. La chambre des lords n’est pas cette assemblée que vous vous représentez hautaine, orgueilleuse, exclusive, sourde à toutes les considérations étrangères à ses intérêts privés. C’est un corps aristocratique, il est vrai ; mais l’aristocratie qui le compose est l’aristocratie anglaise, c’est-à-dire l’aristocratie la plus éclairée, la plus intelligente qui ait paru dans le monde. Voilà ce qu’il ne faut pas oublier. La chambre des lords est, à l’exception de douze ou quinze de ses membres, hostile et par ses sentimens et par ses intérêts au rappel des corn-laws. Pour les maintenir, elle fera tous ses efforts ; elle luttera jusqu’au bout. Cependant tenez pour certain qu’ainsi qu’elle a toujours fait, la chambre