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ses humoristiques aperçus qu’il envoie de Paris à la Gazette d’Augsbourg, pensera sur ce point comme nous.

Puisque nous en sommes sur le chapitre des concerts, on nous permettra de dire un mot d’une société sur laquelle nous avons déjà, lors de son institution, appelé toutes les sympathies des lecteurs de cette Revue. Nous voulons parler de la société fondée par M. le prince de la Moskowa, dans le but de développer parmi nous le sentiment et le goût de la musique religieuse, société devenue aujourd’hui célèbre, et qui tient scrupuleusement les promesses de son programme. Le double service rendu à l’art musical par M. le prince de la Moskowa ne saurait se contester. D’abord il a réveillé le goût de la musique sérieuse ; ensuite il en a facilité l’exécution. Grace à l’œuvre entreprise par lui, œuvre formée, du reste, sur le modèle des associations de l’Italie et de l’Allemagne, un nouveau dilettantisme a pris naissance, lequel a pour unique objet l’étude des grands maîtres de l’art sacré, des Palestrina, des Allegri, des Marcello. Il faut voir avec quelle admirable ferveur les plus nobles voix de la société parisienne se vouent au progrès de la sainte cause ; les salles de concert sont désormais des oratoires dans la salle de Herz, convertie en chapelle, les membres du clergé eux-mêmes ne craignent pas de venir prendre place, et de préluder aux célestes extases, en écoutant ces mélodies suaves, qui leur donnent comme un avant-goût des concerts des anges. Presque toujours l’orchestre est exclu de ces solennités charmantes dont la musique chorale fait tous les frais. Nous en avons connu plus d’un qui mettait toute sa gloire à multiplier les trombonnes et les violons dans ses chefs-d’œuvre ; ici, c’est le contraire qui se passe : plus d’instrumens, mais la voix, la voix seule se développant selon les lois si simples et pourtant si difficiles de l’intonation et de la mesure. Depuis tantôt trois ans qu’ils s’occupent de ce genre d’exercices, les gens du monde y ont acquis une perfection dont on ne se fait pas d’idée, à moins d’avoir assisté aux séances, et l’exécution des psaumes de Marcello et de certains morceaux de Vittoria, de Palestrina et de Sarti, que nous avons entendus tant à la dernière matinée du prince de la Moskowa qu’au concert donné en faveur des jeunes apprentis, cette exécution défierait les plus beaux souvenirs de la chapelle du pape. Nous ignorons quels artistes on pourrait opposer à ces chœurs formés de gens du monde ; les Italiens eux-mêmes, si admirables solistes, ne soutiendraient pas la comparaison. Je n’en veux d’autre preuve que la manière si imparfaite dont ils ont chanté le Paridisi gloria à la dernière exécution du Stabat de Rossini.

On le voit, la société que dirige M. le prince de la Moskowa n’en est plus aux débuts ; elle a donné des gages incontestables de son dévouement à l’art musical, de son utilité pratique. Puisque chacun reconnaît aujourd’hui qu’il importe au développement des études classiques, à l’intérêt de la haute science, que cette société se maintienne, puisqu’il y a là tous les élémens réunis d’un conservatoire nouveau fait pour rendre à la musique chorale les mêmes services qu’une autre institution illustre a rendus à la musique instrumentale, ne serait-il point temps que l’administration supérieure lui vînt en aide et prît sa part des énormes charges qu’entraîne un semblable établissement ? Les œuvres de ce genre ne sauraient vivre bien long-temps de leurs propres ressources ; il faut tôt ou tard qu’elles en appellent au concours des gouvernemens. L’école de Choron, que la société du prince de la Moskowa continue en l’étendant, l’école de Choron recevait