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publiant dans une protestation qu’ils avaient de la reine un congé d’un an, et, menaçant très directement de représailles les auteurs de leur chute ; voilà bien des illusions d’émigrés. Ils laissent derrière eux tous les élémens nécessaires pour composer une administration régulière ; le trône constitutionnel de dona Maria n’est pas plus mis en danger par la charte de septembre que par la charte de dom Pedro ; les septembristes ne visent pas à l’anarchie. De nouvelles cortès vont se réunir et tâcher de réparer tous les désordres en même temps que de contenir les passions qui fermentent ; elles auront fort à faire pour trouver une issue qui tire le pays des embarras financiers où il se meurt. Nous souhaitons seulement que l’Angleterre ne gagne pas à toute cette crise quelque nouvelle édition. du traité de Methuen, et nous voudrions être sûrs que notre ministre arrivera un jour ou l’autre à Lisbonne pour surveiller des difficultés si sérieuses ; nous craignons, à vrai dire, que son influence diplomatique n’ait été compromise par l’exactitude qu’il apporte à remplir ici ses devoirs parlementaires.

Quelle que fût l’importance d’un traité de commerce avec le Portugal, l’Angleterre a maintenant en Amérique de bien autres sujets de préoccupations. La lutte qui vient de s’engager entre les États-Unis et le Mexique est-elle le prélude d’une lutte définitive entre l’Angleterre et les États-Unis ? La question vaut qu’on la pèse. Il y a eu, de part et d’autre, un mouvement d’irritation très vif aux premières nouvelles. Les Américains ont accusé les Anglais d’avoir fomenté les mauvaises dispositions du Mexique, d’avoir promis de l’argent et des armes ; le général Ampudia, en invitant à la désertion les Anglais et les Irlandais incorporés dans l’armée américaine, leur offrait la protection de la magnanime nation mexicaine et du puissant étendard de saint George. D’autre part, on s’est fort indigné à Londres du nouveau pas de ces ambitieux républicains ; on a rejeté tous les torts de la rupture sur M. Polk, et on l’a formellement accusé de sacrifier le droit et la raison à l’envie d’une seconde présidence ; on a dit qu’il ne fallait pas laisser résoudre la question de l’Oregon dans le Texas, que les Américains, vainqueurs du Mexique, se refuseraient plus que jamais à toute concession, qu’il était donc essentiel de sauvegarder au plus tôt les intérêts britanniques. Puis, des deux côtés, tout ce grand bruit est tombé ; le gouvernement des États-Unis affecte, au sujet de l’Oregon, des intentions plus conciliantes et des formes plus modestes ; le cabinet de Saint-James offre sa médiation dans la querelle pendante avec le Mexique, et ne paraît pas se trouver blessé du refus des États-Unis. C’est que le peu d’événemens qui se sont accomplis depuis l’ouverture de la guerre ont donné généralement à réfléchir, et diminué peut-être la confiance du cabinet de Washington en même temps que les alarmes de l’Angleterre.

Le succès d’une lutte entre les États-Unis et le Mexique n’est certainement pas douteux. Le Mexique a subi le sort commun des colonies espagnoles émancipées il est en proie aux dilapidations et à l’anarchie ; l’administration est nulle, et les partis commandent. L’intérêt du jour, ce n’est point l’invasion imminente des Américains, c’est la chute possible de Paredès ; les pronunciamientos fraient partout le chemin à la conquête étrangère, et, le fédéralisme aidant, le démembrement de l’empire s’accomplit avec une effrayante rapidité. Qu’est-ce donc qu’un pareil adversaire en face du colosse américain ? Celui-ci cependant, en sondant sa force, a trouvé sa faiblesse, et les difficultés au milieu desquelles il