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les conditions imposées aux adjudicataires ? La mise en culture des terres de l’Afrique française ne présente pas à l’industrie privée des chances moins belles que la construction des chemins de fer : diriger de ce côté l’esprit d’association en inspirant confiance, telle doit être la tâcha principale du gouvernement.

Nous rendons pleine justice à M. le maréchal Bugeaud, et nous ne voyons pas sans dégoût le dénigrement auquel il est en butte. Abaisser les réputations acquises est une triste tâche qui ne nous aura jamais ni pour approbateurs, ni pour complices. Nous tenons M. le duc d’Isly pour nécessaire à l’œuvre militaire qui est impérieusement commandée à la France ; mais en ce qui concerne l’avenir de la colonie et sa constitution civile, sans méconnaître les ressources de son esprit hardi et résolu, nous croyons que son influence devra du moins être balancée, et que ce n’est pas à l’autorité militaire qu’il appartient de résoudre les grands problèmes financiers qui se rapportent à la colonisation. Qu’un gouverneur-général militaire soit maintenu à la tête de la colonie, nous le trouvons bien ; que ce haut personnage étende son autorité directe sur la population civile elle-même dans toutes les matières qui touchent à l’ordre public et à la sûreté de l’établissement, cela doit être ; mais pourquoi, dans les questions purement administratives, l’administration civile ne s’exercerait-elle pas dans toute son indépendance, en ne relevant que du cabinet, dont elle recevrait les inspirations et appliquerait les ordres ? La concentration de tous les pouvoirs aux mains de l’autorité militaire est à la fois sans avantage et sans exemple. La chambre en est convaincue, et le débat qui se prépare sur les affaires d’Algérie aura pour principal résultat de renforcer l’élément civil au sein de notre colonie. On dit le ministère très disposé à entrer dans cette voie, et décidé à limiter les pouvoirs du maréchal-gouverneur au point de l’amener peut-être à abandonner sa position, ce que nous regretterions sincèrement. La création d’un ministère spécial pour les affaires d’Algérie paraît aussi rencontrer une grande faveur. Quant à nous, nous ne saurions qu’approuver une résolution qui placerait quelque part une responsabilité effective et permanente, conforme à tous les principes du gouvernement représentatif.

Le débat se prolonge, en Angleterre, fort au-delà du terme qui lui avait été d’abord assigné. Cette prolongation est un calcul du parti tory, qui profite plus que tout autre du bénéfice du temps. La réaction agricole s’opère, au sein du corps électoral, avec une vivacité qui n’avait pas été prévue. Elle n’est sans doute pas assez forte pour empêcher le vote du plan de sir Robert Peel dans les communes. Ce plan passera, et les calculs les plus défavorables n’estiment pas à moins de 50 voix le chiffre de la majorité ministérielle. Cette majorité suffira-t-elle pour faire fléchir la chambre des lords ? Cela devient douteux, et le résultat des élections aujourd’hui connu est de nature à inspirer au parti des ducs des résolutions audacieuses. Trois membres du cabinet ont perdu leur siège dans la chambre des communes, et le succès de lord Morpeth est loin de compenser l’échec subi par la plupart des