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s’élève, dans aucun cas, jusqu’au taux établi par le tarif général sur les provenances similaires d’une autre origine.

Lorsque les chambres entameront la discussion de ce traité, il se lèvera un grand nombre de députés de l’ouest et du nord, qui viendront prouver que les faveurs nouvelles concédées à nos vins et à nos draps ne sont pas en équilibre avec les avantages attribués à nos voisins au détriment de notre industrie linière, et nous prévoyons que la chambre sera de leur avis. Néanmoins nous ne méconnaissons point l’importance de rattacher la Belgique au système politique de la France au prix de certaines concessions, même onéreuses, et il nous semblerait d’ailleurs assez difficile de faire moins aujourd’hui qu’en 1842, et de reculer lorsque l’Angleterre avance ; mais nous avons éprouvé une pénible surprise en ne trouvant dans le traité du 10 décembre aucune trace des efforts que M. le ministre des affaires étrangères a faits dans d’autres circonstances pour protéger la propriété littéraire contre une odieuse contrefaçon. Reculer devant la Belgique lorsque la France a fait triompher les véritables principes dans les négociations récentes avec la Hollande et avec la Sardaigne, c’est là un acte d’inconséquence ou de faiblesse qui nous étonne plus encore qu’il ne nous afflige. L’industrie de la contrefaçon n’intéresse, en Belgique, que quelques spéculateurs, et une concurrence effrénée conduit presque toujours ceux-ci vers leur ruine. Elle ne touche à aucun intérêt général que le gouvernement du pays soit contraint de respecter. Atteindre enfin dans son principal foyer cette spéculation toujours immorale et le plus souvent infructueuse pour ceux qui s’y livrent, c’était là une œuvre d’honnêteté publique dont nous regrettons que le ministre n’ait pas pris l’énergique initiative. On ne s’explique pas que la France ait reculé si vite dans l’application de maximes naguère proclamées si solennellement. La discussion du traité belge sera d’ailleurs l’une des plus grandes difficultés de la session. On dit que le ministère en est préoccupé, et qu’il use déjà de toute son influence pour atténuer la résistance protectionniste qui se prépare. C’est à l’opposition de faire entrer la liberté commerciale dans son programme électoral. Se montrer indifférent sur de tels intérêts serait une sorte d’abdication.

La situation actuelle et l’avenir de l’Algérie seront l’objet principal de l’attention de la chambre. Le débat préliminaire des bureaux a constaté tout ce qu’il y avait d’incertain et d’incohérent dans l’opinion du parlement sur cet immense intérêt. Cette incertitude a fait jusqu’ici la principale difficulté de la question, car elle a eu pour effet nécessaire de l’abandonner au hasard des évènemens et à la direction arbitraire d’hommes fort braves sans doute, mais que la nature même de leurs études et de leurs devoirs rendait incapables d’embrasser aucune vue d’ensemble. Depuis quinze ans, la France ne refuse pour l’Afrique ni les soldats ni les millions, mais elle lui refuse quelque chose de plus urgent encore : son attention sérieuse et réfléchie. La chambre voit dans cette question une nécessité pénible, et le gouvernement s’y engage dans le même esprit que le parlement lui-même, avec une absence