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Labourer la terre, garder les troupeaux, c’est la vraie destination de l’homme… - Paris, ville de boue et de fumée, que ne puis-je te quitter pour jamais !

CÉLINDE.

Fuyons loin d’une société corrompue.

SAINT-ALBIN.

J’aurais cependant bien voulu me commander une veste tourterelle et quelques habits printaniers assortis à notre nouvelle existence. Ces tailleurs de village sont si maladroits ! Mais qu’importe au bonheur la coupe d’un vêtement ? La vertu seule peut rendre l’homme heureux.

CÉLINDE.

La vertu… accompagnée d’un peu d’amour… Venez, cher Saint-Albin ; ma voiture nous attend au bout de la ruelle.

SAINT-ALBIN.

Il faudra que j’écrive à la famille dont j’élève les enfans d’après la méthode de l’l’Émile qu’une nécessité impérieuse me force à renoncer à ces fonctions philosophiques.

CÉLINDE.

Vous aurez peut-être plus tard l’occasion d’exercer vos talens dans notre ermitage… Ah ! Saint-Albin, je ne serai pas une mère dénaturée ;… notre enfant ne sucera pas un lait mercenaire ! (Ils sortent.)


SCÈNE V.
(Un mois après. — Un ermitage près de Montmorency.)
SAINT-ALBIN, CÉLINDE.
SAINT-ALBIN.

Comment vous habillerez-vous pour aller à cette fête champêtre ? Il y aura quelques femmes de la ville. Mettrez-vous vos diamans ?

CÉLINDE.

Les fleurs des champs formeront ma parure. Je ne veux pas de ces ornemens fastueux qui me rappelleraient ce que je dois oublier. J’ai renvoyé les écrins à ceux qui me les avaient donnés.

SAINT-ALBIN.

Sublime désintéressement ! — (A part.) C’est dommage, j’aime les folles bluettes que les belles pierres lancent aux feux des bougies. — (Haut.) Et vos dentelles ?

CÉLINDE.