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LE DUC.

Vous ne voulez pas venir à Marly ?

CÉLINDE.

Non.

LE CHEVALIER.

Au concert de musique qui se donne aux Menus, et où l’on entendra ce fameux chanteur étranger ?

CÉLINDE.

Non, vous dis-je.

LE COMMANDEUR.

Il vient de m’arriver du Périgord certaines maîtresses truffes qui ne seraient pas méchantes, arrosées d’un petit vin que j’ai, — dans un coin de ma cave connu de moi seul ; — venez souper avec nous.

CÉLINDE.

Non, non, mille fois non ; je ne veux plus vivre que de fraises et de crême ; tous vos mets empoisonnés ne me tentent pas.

LE COMMANDEUR.

Des mets empoisonnés, — des truffes de premier choix ! Ne répétez pas ce que vous venez de dire, ou vous seriez perdue de réputation. Pour que vous teniez de semblables propos, il faut qu’il se soit passé quelque chose d’étrange dans votre esprit. Vous avez lu de mauvais livres, ou vous êtes amoureuse, — ce qui est de pauvre goût, et bon seulement pour les couturières.

CÉLINDE, à part.

Ils ne s’en iront pas. — S’ils se rencontraient avec Saint-Albin !

LE DUC.

Vous brûlez d’un amour épuré pour quelqu’un de naissance ambiguë que vous n’osez produire, — un courtaud de boutique, un soldat, un barbouilleur de papier. — Prenez-y garde, Célinde, vous ne pouvez descendre plus bas que les barons. — Il faut être duchesse ou reine pour se permettre le caprice d’un laquais ou d’un poète, sans que cela tire à conséquence. — Voilà ce que j’avais à vous dire dans votre intérêt. Maintenant je vous abandonne à votre malheureux sort. — Messieurs, puisque Célinde est si peu hospitalière aujourd’hui, venez passer la nuit chez moi. — Nous boirons, et, au dessert, Lindamire et Rosimène danseront sur la table un pas nouveau avec accompagnement de verres cassés. — Madame, je mets mes regrets à vos pieds.

M. DE VAUDORÉ.

J’avais pourtant bien envie de lui glisser mon quatrain.