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Il me souvient d’avoir, il y a cinq ans de cela[1], parlé de la vapeur et de la puissance qui y réside à peu près dans les mêmes termes dont je me sers aujourd’hui. C’est le propre d’un principe vrai que de ne jamais exposer celui qui le professe à des mécomptes ou à des démentis. Cependant l’emploi de la vapeur comme instrument de guerre était alors une hypothèse bien téméraire, et je suis persuadé que les esprits spéciaux ont dû me regarder comme un rêveur. Des inconvéniens graves semblaient empêcher que les bâtimens à feu devinssent propres à un service de combat. Tout le monde en était convaincu quand j’avançais la thèse contraire. Le temps a marché et m’a donné raison contre les hommes du métier. Les obstacles ont disparu ou se sont amoindris, et des perfectionnemens faciles à prévoir ont, en agrandissant l’application, donné gain de cause à la théorie. Ces perfectionnemens, auxquels le document distribué aux chambres par M. de Mackau n’accorde qu’une mention succincte, méritent une attention sérieuse, et je vais m’y arrêter un instant. Les plus essentiels sont les chaudières à tubes, imitées de celles des locomotives, et le propulseur à hélice, logé au-dessous de la flottaison. Deux avantages essentiels résultent de l’emploi des chaudières tubulaires ; elles sont plus légères et occupent moins de place. M. Sochet, ingénieur de la marine, cite, dans un fort bon mémoire, des chaudières de 260 chevaux, celles du Black Eagle. par M. Penn, comme ne pesant que 30 tonneaux, eau non comprise, et n’occupant qu’une superficie de 15 mètres carrés environ. Il est vrai de dire que tous les constructeurs ne sont pas arrivés au même résultat. Les surfaces de chauffe varient également d’un atelier à l’autre. La limite supérieure qu’a observée M. Sochet pour la superficie totale des tubes est d’un mètre carré ou d’un mètre et un dixième par force de cheval dans les chaudières où la flamme fait retour par les tubes.

M. Gervaise, sous-ingénieur de la marine, qui s’est occupé de la même question, estime que l’encombrement des nouvelles chaudières est inférieur de 50 pour 100 à celui donné par l’ancien système, et il a vu fabriquer en Angleterre des appareils complets pour la mer (machines, chaudières et eau de chaudières), dont le poids était de 500 à 525 kilogrammes seulement par force de cheval. Un dernier avantage des chaudières à tubes, et que M. Sochet place au-dessus des autres, c’est l’excès de pression qu’elles peuvent supporter. Avec les anciennes chaudières, la pression de la vapeur n’était quelquefois que d’un

  1. Avenir de notre Marine, — Revue des Deux Mondes du 1er mai 1840.