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de 1844 de 125,272, c’est-à-dire que l’inscription constate 18,000 marins de plus, là où le mouvement commercial se traduit par 90,000 tonneaux de moins.

Il est impossible qu’il ne se cache pas là-dessous quelque fiction dont il importe de faire justice. Sans doute, on doit tenir compte de ce fait que tous les marins inscrits ne sont pas appelés à jouer un rôle dans le mouvement commercial, et que beaucoup d’entre eux demeurent étrangers au service de la navigation marchande : ainsi les pêcheurs des côtes, les ouvriers des arsenaux, les hommes embarqués sur nos bâtimens de guerre ; mais il faudrait alors que l’accroissement de l’inscription eût porté en entier sur ces trois classes, et que de 1836 à 1845, pendant que les équipages du commerce restaient au moins stationnaires, l’inscription se fût enrichie de 24,000 hommes en pêcheurs, ouvriers ou marins de la flotte. Personne n’oserait s’abriter derrière cette conclusion, et pourtant c’est la seule manière de conclure. A moins pourtant que l’on ne veuille convenir des mécomptes de l’inscription, et ne l’envisager que comme un recensement approximatif et touchant aux limites de l’arbitraire.

Du reste, ce chiffre de 125,272 inscrits est une véritable fiction à quelque point de vue qu’on l’envisage. Il comprend non-seulement tout ce qui est marin, mais ce qui l’a été et peut le devenir. Aussi le ministre a-t-il soin de faire lui-même un travail de départ en limitant à 46,000 le nombre des hommes d’élite, et à 10,000 ceux de second choix. C’est là le nerf de nos flottes et en même temps la seule ressource de notre marine marchande. Le temps nous a légué cette combinaison qui maintient deux intérêts bien distincts dans une mutuelle dépendance, ou plutôt qui impose à l’un des servitudes onéreuses, et attribue à l’autre des pouvoirs discrétionnaires. Peut-être faudra-t-il réformer un jour de fond en comble ce code exceptionnel ; en attendant, d’heureuses modifications y ont été introduites, et, dans le nombre, il convient de citer la levée permanente qui a remplacé les réquisitions inopinées. La levée permanente est une sorte de compromis entre le recrutement et le régime des classes ; elle fait arriver successivement à bord de la flotte la partie jeune et active de nos gens de mer, et répartit sur tous, aussi équitablement que possible, les charges du service militaire.

De ce coup d’œil sur le personnel, le Compte au roi passe à l’examen du matériel et en examine d’abord l’ensemble. Au 1er janvier 1846, la France possède 268 bâtimens à voile dont 227 à flot et 44 en chantier, 74 bâtimens à vapeur, dont 55 à flot et 19 en construction[1],

  1. Voici le détail de ces vaisseaux :
    VOILE :
    46 vaisseaux de quatre rangs, dont 23 à flot et 23 en chantier.
    49 frégates de trois rangs, dont 31 à flot et 18 en chantier.
    39 corvettes de trois classes, dont 36 à flot et 3 en chantier.
    47 bricks de deux classes.
    52 bâtimens légers à flot.
    35 bâtimens de transport à flot.
    Total : 268
    VAPEUR
    9 frégates :
    1 de 640 chevaux en construction.
    2 de 540 à flot.
    5 de 450, dont 3 à flot et 2 en construction.
    1 de 400 en construction.
    17 corvettes :
    5 de 320, dont 1 à flot et 4 en construction.
    12 de 220, dont 9 à flot et 3 en construction.
    48 bâtimens de 160 chev. et au-dessous, dont 40 à flot et 8 en construction
    Total : 74