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considérable aux nouveaux instrumens que la vapeur a mis au service de nos flottes.

Ces idées, désormais élémentaires, se sont emparées de l’opinion d’une manière si puissante, que l’influence s’en est transmise du pays aux chambres et des chambres au cabinet. Le gouvernement a été mis en demeure d’agir, et le projet d’organisation qu’il présente cette année est le fruit de l’une de ces heureuses violences auxquelles un ministre spécial se résigne toujours avec une satisfaction mêlée de fierté. Pour M. de Mackau, cette loi deviendra une date, comme la loi de 1820 en fut une pour le baron Portal.

C’est par l’histoire de cette dernière époque que commence le document remarquable dont les chambres ont été saisies à l’appui du nouveau projet d’organisation. En 1820, notre marine marchait vers un dépérissement fatal ; le matériel s’en allait en ruines, le personnel subissait les atteintes d’un découragement profond et offrait tous les symptômes d’une désorganisation prochaine. L’argent manquait aux services, et de 125 millions, chiffre atteint sous l’empire, le budget de ce département était descendu à 45 millions. C’était trop ou trop peu trop si l’on renonçait à cette arme, trop peu si l’on voulait en conserver même les traditions.

Les choses se trouvaient parvenues au dernier degré de cet abandon lorsque le baron Portal arriva aux affaires. Il faut lire, dans ses curieux Mémoires, le récit des résistances qu’il rencontra lorsqu’il voulut sérieusement reconstituer notre marine. On serait étonné de voir quels hommes l’appuyèrent et quels hommes lui firent obstacle. Il eut contre lui le baron Louis, pour lui M. de Villèle. Le baron Louis était pourtant le collègue de Portal, tandis que M. de Villèle figurait à la tête du parti qui conspirait la ruine du ministère. Un membre de l’opposition montrait ainsi plus de sympathie pour notre régime naval que les membres même du cabinet. Tandis que les budgets des autres départemens étaient l’objet des plus vives attaques, M. de Villèle couvrit le budget de la marine de son influence et assura le succès des innovations hardies du baron Portal.

Il faut tout dire, c’était une question de vie ou, de mort. Le ministre s’expliquait là-dessus en termes formels. Dans le rapport qui précède le budget de 1820, il exposait les souffrances et les dangers de la situation, déclarant d’une manière expresse que les 4.5 millions accordés chaque année à la marine étaient un sacrifice gratuit, et qu’ainsi, depuis 1815, 270 millions avaient été dépensés en pure perte. Il ajoutait :