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et de respect, que Cromwell traitait les maladies et les abus du calvinisme.

L’histoire des relations de Mazarin avec Cromwell est encore à faire, et ce serait une curieuse monographie que celle qui mettrait en présence ce Sicilien qui gouverna la France et le fermier du Nottinghamshire, devenu roi d’Angleterre. Un intérêt commun les rapprochait, la crainte de l’Espagne. Mazarin, assez peu catholique, Cromwell, roi du calvinisme, s’entendaient à merveille pour abaisser la puissance espagnole et arrêter l’essor de cette grande monarchie catholique, maîtresse de la moitié de l’Europe et du Nouveau-Monde. Cromwell et Mazarin avaient des espions communs, des trames cachées, des desseins que leur coopération pouvait seule faire réussir ; l’un et l’autre travaillaient à brouiller les deux Stuarts, Charles et Jacques, et l’on jugera par cette lettre secrète, dont l’authenticité est incontestable, du degré d’intimité que ces rapports avaient fini par atteindre.


A son éminence le cardinal Mazarin.

« Les obligations et les nombreuses marques d’affection que j’ai reçues de votre éminence m’engagent à y répondre d’une manière digne de votre mérite ; mais dans les présentes conjonctures et dans l’état actuel de mes affaires, malgré la résolution que j’en ai formée en mon esprit, il est possible[1] (vous dirai-je, il est nécessaire ?) que je n’obéisse pas à votre appel en faveur de la tolérance (pour les catholiques).

« Je dis que je ne le puis pas, quant à la déclaration publique de mon sentiment sur ce point ; cependant je crois que sous mon gouvernement votre éminence a moins à se plaindre, au sujet des catholiques, de violences faites aux consciences des hommes que sous le parlement, car j’ai eu compassion de quelques-uns, et ces quelques-uns sont nombreux ; j’ai fait une différence. Véritablement (et je puis le dire avec joie en présence de Dieu, qui est témoin dans mon intérieur de la vérité de ce que j’affirme) j’ai fait une différence, et, selon les paroles de Jude, « j’en ai délivré plusieurs du feu, » - du feu dévorant de la persécution qui tyrannisait leurs consciences, et par un emploi arbitraire du pouvoir usurpait leurs biens. Et dans ceci, aussitôt que je pourrai me débarrasser des obstacles et des affaires dont le poids m’oppresse, c’est mon dessein d’aller plus avant et de remplir la promesse que j’ai faite à votre éminence à ce sujet.

« Et maintenant je viens faire mes remerciemens à votre éminence du choix judicieux de la personne à qui vous avez confié notre affaire la plus importante, affaire dans laquelle votre éminence est concernée, mais pas aussi sérieusement et aussi profondément que moi. Je dois confesser que

  1. I may not (shall I tell you, I cannot ?).