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Lui, de même, il savait pencher l’urne sonore
Et pleurer ; il savait éclater en sanglots,
Et, pareille au ruisseau qui coule et qui s’ignore,
Son ame féminine, où vibraient les échos
De ces mille tourmens dont l’amour nous dévore,
Versait la mélodie et les larmes à flots.

Il pleurait pour Arthur, il pleurait pour Elvire,
La belle délaissée au suave délire ;
Et, s’il voulait chanter l’héroïque Norma,
Une larme glissait furtive sur sa lyre,
Et la corde d’airain, qui frémissait déjà,
Sur un mode plus doux prenait Casta diva.

Mais ne trouvez-vous pas que cette mélodie
Tourne bien, par instans, à la monotonie,
Et qu’en cette chanson, qui s’oublie aux hélas !
Un peu de Rossini parfois ne nuirait pas ?
J’aime le clair de lune et sa mélancolie,
Mais du soleil, pourtant, il faut bien faire cas.

Beethoven est immense, et son esprit sublime,
Emporté dans les airs par la nuée en feu,
Du monde instrumental a fécondé l’abîme ;
L’orchestre, dont la vague à son souffle s’anime,
Ou mollement s’endort sous un ciel calme et bleu,
Avec toutes ses voix le proclame son dieu.

Weber est romantique. — Au fond de cette grotte
Si Miranda soupire, ou fredonne Ariel,
Si le cristal filtré par le roc éternel,
En creusant le granit, goutte à goutte clapote,
Si le cor égaré pousse un douteux appel,
Quel que soit le mystère, il en saura la note.

D’un côté Samiel et de l’autre Oberon,
Ces esprits familiers, bizarres camarades,
Lui révèlent les bruits de la création ;
Il entend les lutins mener leurs sérénades,
Il sait le frais motif que chantent les cascades
Au croissant de la lune ouvert à l’horizon.