Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/876

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

repue et bien joyeuse, il ne m’en faut pas davantage, et, s’il plaît à Dieu et au roi, je resterai toujours ainsi.

LE CHOEUR.

Elle restera toujours ainsi ! C’est elle, c’est bien elle.

On voit clairement ici l’ancienne Allemagne, l’Allemagne des temps primitifs et du moyen-âge, celle de l’érudition et de la philosophie, cette Allemagne qui, à travers tant de fortunes diverses, depuis les Minnesinger jusqu’à Goethe, s’est toujours plus souciée de l’idéal que des intérêts de la chose publique. Je ne sais s’il est permis de parodier si cruellement tous les souvenirs ; mais on a tant abusé du saint-empire, on a si ridiculement mêlé les jouets enfantins du romantisme aux problèmes virils du monde moderne, que le poète est peut-être excusable. Ceci, je veux le croire, ne s’adresse pas aux traditions vénérables du passé, mais seulement aux hommes qui ont imaginé ou exploité ce patriotisme menteur, cet absurde engouement teutonique, toutes ces sottes et dangereuses fantaisies derrière lesquelles s’est long-temps cachée la haine des institutions libérales. Cependant la profession de foi de Germania n’apaise pas les gens de police, les gendarmes insistent, et les deux femmes sont arrêtées. Tout ce qui suit n’est plus qu’une fantaisie moitié grotesque, moitié sérieuse. Au moment où la fausse Germania est saisie par les gendarmes, elle fait explosion comme une bombe ; on en voit sortir, au milieu de flots de fumée, des chœurs de moines, de piétistes, de chevaliers, et, pour terminer, plusieurs compagnies de cosaques qui font main basse sur les derniers débris de l’Allemagne. L’autre, au contraire, la noble et malheureuse femme, se relève ; les esclaves ont brisé ses chaînes, et l’entourent en célébrant la liberté.

Telle est l’œuvre bizarre que l’auteur a intitulée les Couches politiques. Il en a été beaucoup parlé depuis quelques mois, et elle soulève en effet plus d’une question grave. Soit qu’on n’y cherche qu’un problème littéraire, soit qu’on en veuille juger l’importance au sein de ce mouvement qui s’accroît chaque jour, la comédie de M. Prutz méritait la discussion qu’elle a provoquée. Un critique original, dont la renommée est en train de grandir, M. Vischer, rudement interpellé dans le monologue du poète, a donné son avis sans aigreur, sans rancune, et je crois même avec une bienveillante courtoisie, comme il sied à un homme d’esprit qui ne veut pas se venger. Il n’a pas eu de peine à montrer que l’auteur des Couches politiques a pris une fausse voie et s’y est perdu résolument. Le spirituel article de M. Vischer,