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conquérir ainsi de nouvelles garanties d’ordre public. Certaines feuilles radicales, qui comprennent la portée d’une caisse de retraite sous ce dernier point de vue, ont sournoisement combattu la proposition. Cette hostilité pourrait bien servir le projet dont il s’agit ; il ne faudrait pas cependant que des préoccupations politiques le fissent accepter aveuglément. Quant à nous, nous accordons à l’idée première un assentiment complet : elle honore les esprits qui l’ont conçue et les hommes qui la patronent ; nous n’approuvons pas également les moyens d’application proposés. On s’abuse sur l’étendue de la responsabilité de l’état ; de plus, il est certain, comme on l’ajustement dit, que l’établissement tel qu’il serait constitué tendrait à relâcher encore le lien déjà trop affaibli de la famille. L’idée a besoin d’être mûrie. Pour le moment, il nous paraît sage de s’en tenir aux institutions existantes. Les sociétés de secours mutuels, régénérées et combinées avec l’action des caisses d’épargne, suffiront pour stimuler et récompenser efficacement la prévoyance de l’ouvrier, en attendant qu’il se produise une théorie de caisse de retraite conforme à des principes dont il serait très dangereux de s’écarter. Toutefois, nous ne le déguiserons pas, nous pencherions en faveur de la pensée qui prendrait les sociétés de secours mutuels pour bases, la solidarité entre elles pour moyen, et les caisses d’épargne pour auxiliaires.

Beaucoup d’autres propositions de la nature la plus diverse, inspirées par un esprit de bienveillance envers les classes laborieuses, ont surgi au milieu du mouvement de ces dernières années. Quelquefois elles ont empiété sur le domaine de la bienfaisance privée ; quelquefois elles ont voulu étendre mal à propos le patronage de l’autorité. Les ouvriers possèdent, d’ailleurs, des institutions spéciales dont les services ne sauraient être mis en doute, malgré les inconvéniens et les abus qui s’y mêlent encore. Ces institutions sont une tentative de l’industrie pour s’organiser elle-même. On doit chercher à régulariser leur action, à faire prévaloir peu à peu le bon sens sur des traditions grossières ; je ne pense pas qu’il y ait avantage à réagir systématiquement contre elles ; j’estime, au contraire, qu’elles peuvent compléter utilement le régime du travail. A des magistrats et à des bureaux officiels, les ouvriers préféreront toujours leurs institutions familières. Au lieu de créer arbitrairement des établissemens nouveaux, mieux vaudrait, quand on remaniera la législation impériale sur les conseils de prud’hommes, accroître la sphère de leur patronage industriel, dont la pensée un peu obscure se trouve déjà dans la loi de 1806. C’est alors qu’ils devraient être surtout intimement liés par leur origine avec tous les intérêts sur lesquels leur autorité s’étend. À cette condition, ils pourraient recevoir avec avantage des attributions disciplinaires plus larges et plus précises.

En fait de discipline industrielle, aucun principe ne s’oppose à de nouvelles mesures qui auraient pour objet de prévenir certains abus, l’insalubrité des fabriques, par exemple, quand elle provient de la mauvaise appropriation du local. Favorables à l’ouvrier, ces mesures seraient aussi