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de compléter notre régime industriel, soit dans l’ordre des établissemens de prévoyance, soit dans l’ordre des lois de discipline ? L’enquête dont on a essayé de faire tant de bruit est-elle nécessaire ? En a-t-on besoin pour savoir à quelles mesures s’arrêter ? L’étude des théories récemment développées préparera notre réponse à ces questions.


II.- SYSTEMES RESTRICTIFS DE LA LIBERTE DU TRAVAIL.

Depuis que l’attention publique s’est portée sur l’organisation du travail, ou plutôt depuis que les partis se sont emparés de la question, chacun a voulu dire son mot. Quelques-uns ont étudié le problème pour lui-même, en vue des intérêts qu’il embrasse ; les autres l’ont saisi comme un moyen, comme une bonne occasion de s’adresser au public, et ils l’ont traité le plus souvent sans avoir aucune connaissance de nos lois économiques. De là tant d’écrits déclamatoires, qui manquent de bases et de conclusions. Toutefois, au milieu de ce désordre, plusieurs systèmes plus ou moins contraires au principe de la liberté se dessinent nettement ; les opinions qui se groupent autour d’eux se prêtent à l’analyse. Ainsi, nous avons les idées des communistes sur l’organisation du travail, la théorie de Fourier expliquée par ses disciples, les idées des radicaux, le système qu’on peut appeler système des ouvriers, celui des conseils industriels hiérarchisés, enfin celui de la restriction de la liberté des masses.

Les écrivains communistes sont ceux qui entendent le régime industriel de la façon la plus radicale et la plus subversive. Tous les autres acceptent l’institution de la propriété. Si quelques-uns la mutilent, si l’école de Fourier, par exemple, lui porte une rude atteinte avec ses actions commanditaires, le principe cependant est à peu près conservé. Nous n’avons pas l’intention de refaire l’histoire du communisme ni d’entrer en longue discussion avec lui[1]. La théorie est connue. Quoiqu’elle se présente non-seulement comme une doctrine économique, mais comme une doctrine sociale complète, elle ne brille point par la variété et l’invention ; elle repose sur une seule idée, l’idée fausse de l’égalité absolue entre les hommes. L’homme se croit volontiers l’égal de ses supérieurs, et le supérieur de ses égaux. C’est le secret penchant de sa nature ; mais il sait fort bien reconnaître entre ses semblables l’inégalité essentielle des facultés et des moyens dont l’inégalité des conditions est la conséquence inévitable. Le communisme refuse d’accepter le principe et la conséquence ; il prétend rétablir pendant la vie, par son organisation du travail et son mode de distribuer les produits, l’égalité parfaite. Pour atteindre son but, il rend le travail obligatoire à tout le monde. Ce n’est

  1. Voyez, sur l’histoire du communisme, un travail remarquable publié dans cette Revue, livraison du 1er juillet 1842 : Des Idées et des Sectes communistes, par M. L. Reybaud.