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de l’état moderne se propage en Allemagne, pour exprimer tout ce qu’elle y répand de bon esprit et de saines pensées. J’ai sous les yeux une œuvre excellente publiée par M. Charles Weil dans ses Annales constitutionnelles, l’un des trois ou quatre recueils politiques qui se sont produits dans ces dernières années, et qui présentent leur vif libéralisme sous des formes assez graves pour défier la censure. M. Weil trace un tableau frappant des révolutions, des complications ecclésiastiques de l’Allemagne (Die kirchlichen Wirren in Deutschland). C’est une étude aussi claire que profonde, et d’un bout à l’autre dominée par ce sage esprit, si positif et si net, qui caractérise à l’avance les futurs publicistes de l’Allemagne constitutionnelle. Je voudrais dire quelle force cet esprit sent en lui-même, avec quelle confiance il attend l’avenir : je ne saurais mieux faire que n’a fait M. Weil en citant pour couronnement et conclusion de son esquisse ce beau passage de Milton :

« Il me semble que je vois en ma pensée une noble et puissante nation se levant comme un homme fort après son sommeil, et secouant son invincible chevelure ; il me semble que je la vois, comme un aigle, renouveler sa puissante jeunesse en fixant son regard immobile sur le plein soleil de midi, et rafraîchir ses yeux trop long-temps abusés à la source même des célestes lumières. Cependant la troupe timide de ces oiseaux honteux qui n’aiment que le crépuscule vole lourdement à l’entour, et dans son étonnement pousse des cris envieux, comme si elle annonçait une ère de schismes et de discordes. »