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tout ce qu’ils gagnent à devenir une église au lieu de rester une nation. C’est alors que sont arrivés ces nouveaux catholiques, disant hautement par la force des choses plus encore que par la claire notion des idées : « Notre culte n’est pas le vôtre, on ne lui a marqué de place ni en 1648, ni en 1815 ; il est né d’hier ; en sommes-nous moins vos compatriotes, et perdrons-nous nos droits publics pour embrasser notre foi religieuse ? Parce que nous ne voulons être ni catholiques romains, ni luthériens, ni calvinistes, ni même évangéliques, faut-il que nous restions hors la loi, qui ne reconnaît de sujets et de citoyens que sous l’une ou l’autre de ces quatre conditions ? faut-il que nos familles ne soient plus des familles légales, ou bien faut-il acheter cette légalité qui nous manque au prix de notre conscience, et, puisque vous n’admettez point encore de pacte civil sans l’intervention sacerdotale, faut-il donc aller chercher vos prêtres ? »

À cette grave et décisive question, le bon sens universel a déjà répondu dans toute l’Allemagne. Proclamer au sein de la diète de Francfort une cinquième communion privilégiée, ce serait le comble du ridicule ; supprimer tout ascendant positif de la société religieuse sur la société laïque, organiser la société laïque par elle-même, c’est l’ordre du temps et le vœu de la raison, c’est la vraie nécessité déterminée par l’apparition des catholiques allemands. Quoi donc ! le pouvoir matériel du souverain politique va régler les liens les plus délicats de l’humanité, présider à l’œuvre sainte de la famille ! Oui, sans doute, si le souverain n’est qu’un individu, être variable et caduc comme toute créature vivant en elle seule, oui, ce sera tyrannie pure ; mais, si pour souverain on n’a que la volonté générale régulièrement et constamment exprimée, ce sera justice et harmonie, ce sera le plus beau, le plus fécond, le plus pacifique triomphe d’une grande révolution. Le premier jour où dans la commune allemande un simple magistrat joindra valablement l’homme à la femme et leur donnera la bénédiction civile, ce jour-là ne sera pas loin de cet autre jour si impatiemment attendu où il y aura une tribune à Berlin : le souverain aura changé.

Voilà de quels nobles principes l’Allemagne est aujourd’hui préoccupée à l’occasion de la secte nouvelle, voilà ce qui donne tant d’importance à des manifestations en elles-mêmes assez mesquines. Je ne sais si elles sont un cri profond de la conscience religieuse ; je suis sûr qu’elles répondent à un besoin profond de la pensée sociale. Supposez l’état civil constitué au-delà du Rhin comme chez nous,