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ministère essaya bien d’invoquer à son tour les nécessités du pacte fédéral : puisqu’il n’y avait qu’une langue et qu’une littérature en Allemagne, il ne devait y avoir qu’une seule et même loi pour en réprimer les écarts, et, puisqu’il était dans l’ordre que cette loi fît faite à Francfort, il fallait bien l’accepter telle quelle ; on n’y pouvait rien. La chambre ne se rendit point, et, sans plus d’égards pour ces superbes exigences de la diète, elle attaqua vivement tous les abus qu’elles servaient à justifier. Elle voulut traiter publiquement toutes les questions d’affaires extérieures, malgré le cabinet qui prétendait les enterrer à huis-clos ; elle blâma sévèrement les dépenses croissantes du service diplomatique et du service militaire, les unes et les autres déterminées pourtant, disait-on, par les convenances générales de l’empire allemand ; enfin, d’accord avec la chambre saxonne et la chambre badaise, elle protesta contre les articles secrets signés à Vienne en 1834, et dernièrement publiés pour l’éternelle humiliation des petits états germaniques. Ce fut toute une politique très nette, très ferme et très sensée, qui releva le moral du pays sans nuire à l’action du gouvernement.

Quant à l’opposition ultramontaine, ses griefs perdirent de leur retentissement aussitôt que l’attention publique fut sérieusement distraite par les débats constitutionnels ; à peine si ses réclamations, de longue main préparées, sont arrivées jusqu’à la tribune ; elles y échouèrent sans résultats ; la division se mit dans ce camp dévot, et le ruina si bien, qu’il ne compta presque plus à la chambre. Le 29 avril, il demandait encore, mais pour ne rien obtenir, de nouveaux séminaires et de nouvelles chaires de théologie ; le 30, la chambre votait une augmentation considérable sur le budget du culte israélite, et sollicitait l’entière émancipation des Juifs. Était-ce là ce qu’avait espéré la vieille aristocratie de la Souabe quand elle s’était si fort appliquée aux intrigues électorales ? Pensant travailler contre le siècle, elle avait travaillé pour lui.


Cet épisode d’histoire parlementaire, tel qu’il m’était raconté par des témoins fort proches et fort équitables, m’en avait appris beaucoup sur ces allures nouvelles des bons esprits politiques. J’eus occasion, d’en mieux juger encore, et de les voir à l’œuvre, lorsque l’abbé Ronge et ses amis arrivèrent à Stuttgart. Je m’étais beaucoup attardé pour ne pas manquer une pareille rencontre ; j’ai suivi très assidument la pièce à toutes les scènes, et, je le déclare avec grande sincérité, ce qu’il y avait là de plus intéressant, ce n’était ni le rôle ni le personnage des