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en Autriche, les habitans des vallées protestantes du Tyrol ont été forcés de s’expatrier, et les protestans de la Bohème n’ont encore que des chapelles de tolérance (Gnadenkapellen) ; le pacte fédéral qui a décrété l’égalité des trois confessions reconnues est à chaque instant violé par les puissances catholiques : tout cela n’était plus rien à côté de cette grande tyrannie qui accablait, disait-on, les catholiques du Wurtemberg. Ce fut avec ces clameurs qu’on se précipita dans le champ-clos politique, et le plus vite qu’il fut possible on fit de la question religieuse une question électorale. J’imagine que c’est là le programme absolu de la faction ultramontaine, puisqu’elle le suit maintenant partout ; il serait bon pourtant qu’elle y prît garde : qui combat avec l’épée périra par l’épée.

La législature de 1839 allait justement expirer, et la chambre devait être renouvelée à la fin de 1844. De compagnie avec le jeune clergé, la noblesse se mit en mouvement et chercha des candidats. Le gouvernement laissa beaucoup faire et la censure beaucoup passer ; ce fut sa seule tactique, il n’en fallait pas davantage ; l’ancien parti libéral releva tout aussitôt la tête ; c’était bien sur quoi l’on comptait, c’était la diversion qui devait dominer l’agitation catholique, et ressusciter la seconde chambre vis-à-vis de la première, du jour où elle y serait franchement représentée. Voilà comment le pouvoir parlementaire fut tout d’un coup restauré : les opinions se prononcèrent, et la vie reparut ; on avait menacé le gouvernement d’une opposition, il y en eut deux, dont l’une absorba l’autre. L’opposition ultramontaine manœuvrait en Wurtemberg comme en Belgique et comme en France : au nom de la liberté, elle offrait son alliance à l’opposition libérale ; celle-ci accepta sous bénéfice d’inventaire, et toute cette année du moins elle a commencé par s’occuper de ses propres intérêts ; c’étaient ceux du temps et du pays. La session a été très véritablement une session constitutionnelle. Jamais, depuis 1833, on n’avait vu de préoccupations politiques plus sérieuses ; jamais aussi élections n’avaient été plus contestées. Le gouvernement garda, bien entendu, l’avantage, mais il était arrivé à la chambre près d’un tiers de membres indépendans, et parmi ceux-là les radicaux de 1831. Ces derniers du reste avaient subi, comme tout le monde, l’effet du cours des ans ; ils étaient pénétrés de ce besoin de modération qui règne aujourd’hui en Allemagne, de ce ferme bon sens dont s’honorent les caractères les plus décidés : « L’esprit de liberté, disait Paul Pfizer, un ardent démagogue d’autrefois, l’esprit immortel ne s’est pas endormi ; seulement il a pris de lui-même une conscience plus claire, il est plus calme et plus sobre. »