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l’un et l’autre à la nomination du roi. On régla tout en vue d’une mutuelle tolérance ; on s’appliqua plutôt à rapprocher qu’à diviser, mais sans rien forcer, et par conséquent sans rien aigrir ; ce fut l’esprit de M. de Wessenberg qui dicta cette noble politique. Son empire dura même plus long-temps en Wurtemberg qu’en Bade ; lorsque l’évêché de Rottenbourg fut érigé par le pape en 1827 comme l’un des quatre de la province du Haut-Rhin, le gouvernement ne voulut pourtant pas de concordat avec Rome ; il s’en tint aux édits de Frédéric, et le conseil ecclésiastique garda ses fonctions sous la surveillance immédiate du ministre de l’intérieur. Des années se passèrent avant que personne songeât à s’en plaindre. L’évêque était un personnage assez nul auquel chacune des deux parties s’était rabattue faute de pouvoir imposer à l’autre un candidat qui fût tout-à-fait de son choix. Le conseil agissait en pleine liberté ; il agissait bien ; la reconnaissance générale le défend aujourd’hui contre des attaques systématiques ; ses adversaires eux-mêmes ont sans doute commencé par oublier ce qu’ils lui doivent : une faculté de théologie catholique établie à Tubingue, un grand collége et deux petits, organisés sur le modèle des fameux séminaires protestans, l’excellent emploi des revenus ecclésiastiques, le développement des écoles paroissiales, enfin l’amélioration constante du sort des curés, si maltraités par les anciens seigneurs du spirituel. Tout cela malheureusement s’accomplissait d’un point de vue trop libéral et trop élevé : on ne cherchait point dans les institutions religieuses un moyen de propagande dogmatique à l’usage des masses ; on les regardait comme une satisfaction d’ordre public pour la conscience des particuliers ; ce n’était point ainsi qu’on pouvait contenter Rome. Elle remua sourdement ; elle attendit ; puis un jour l’évêque wurtembergeois fut mandé à Munich auprès du légat du pape ; il était parti fort indifférent, il revint ultramontain ; tout éclata. Le moment arrivait en Allemagne pour la réaction catholique. Mûrie par les persécutions de Frédéric-Guillaume III, elle acceptait dédaigneusement les concessions de Frédéric-Guillaume IV, et, marchant droit à son triomphe, préparait de loin les miracles de Trèves ; elle savait à point sur qui compter : l’aristocratie de la Haute-Souabe devint tout aussitôt l’un de ses instrumens.

Il était, à vrai dire, assez difficile de fabriquer une agitation religieuse en Wurtemberg ; le gouvernement n’avait pas imité les violences prussiennes ; il n’avait point détruit l’ordre antique qui déterminait les rapports respectifs des cultes. On sait comment le vieux Frédéric-Guillaume, ayant ordonné que désormais tous les enfans