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bride, si l’on n’eût en même temps assuré la prépondérance de la seconde chambre. La constitution du royaume de Saxe range dans le sénat les députés des propriétaires de biens nobles qui votent à part dans toute l’Allemagne, ceux des églises, celui de l’université, enfin les premiers magistrats de certaines villes. Mis à la même place en Wurtemberg, ces simples mandataires électifs se seraient rencontrés face à face avec de gros seigneurs terriens, qui se souviennent encore d’avoir hérité des dépouilles de la maison de Hohenstaufen ; l’Allemagne luttera long-temps pour résister un peu à de telles influences. La partie eût donc été tout au plus égale dans la première chambre, et la seconde, en un pays d’industrie assez médiocre, se fût trouvée bien réduite. Au contraire, en adjoignant de droit à celle-ci toute une portion de la noblesse, les propriétaires-chevaliers, comme on les appelle, en y introduisant l’évêque catholique et le surintendant protestant avec le chancelier de l’université, on assurait à ses délibérations une autorité incontestable ; on opposait à l’antiquité de la race et du patrimoine l’éclat de la religion, de la science et même de la fortune. Il fallait cependant que la masse des députés ne fût point discréditée par une trop visible insignifiance ; autrement il ne servait de rien que la tête eût par elle-même une valeur plus sérieuse ; il n’y avait point de base solide sur laquelle pût s’appuyer une action politique ; toute action revenait alors soit au roi, soit à l’autre chambre. Supposez notre chambre des pairs avec son mode de recrutement et le peu de racines qui l’attachent au pays. Le roi avait certainement le champ libre ; mais combattre tout seul ces maisons princières de la Haute-Souabe qui avaient été des états d’empire et ne l’oubliaient point grace aux instigations autrichiennes, ce n’était pas chose si commode, et ce fut là le nouvel embarras que le gouvernement wurtembergeois se donna comme à plaisir en s’efforçant d’en écarter un autre que la charte lui commandait d’accepter plus loyalement. Il ne s’aperçut pas assez vite qu’un contrôle efficace de la chambre élective, tout en le gênant peut-être, lui servait du moins de sauvegarde contre les prétentions de la chambre héréditaire, et, pour s’être trop précautionné contre le débordement démocratique de 1830, il n’eut plus la vigueur de fermer la porte à cette soudaine invasion de l’esprit du moyen-âge qu’on allait susciter contre lui. En vérité, les péripéties de l’histoire constitutionnelle se ressemblent partout.

Nul esprit n’était pourtant plus antipathique à celui du prince et de son conseil. Le roi Guillaume est un homme de bon sens et de sens moderne : protestant par conscience et par amour pour ses traditions