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du vieux pacte consenti à Tubingue en 1514 par le duc de Wurtemberg et ses fidèles états. C’était un souvenir qui flattait à la fois le patriotisme local et l’érudition historique, deux vanités essentiellement allemandes. On y céda de confiance ; on prit même si bien l’habitude de considérer l’assemblée nationale comme un rouage de plus dans la bureaucratie, que l’on ne nomma presque pour députés que des employés de l’état ou des communes. Il y eut mieux encore : en Wurtemberg, on ne connaît point de cens d’éligibilité ; les élus reçoivent donc une indemnité pécuniaire pendant le cours de la session ; on en vint à se demander à quoi servait cette dépense, et des paysans du cercle du Danube imaginèrent qu’on pourrait assez facilement la supprimer en se passant de députés. Je ne sais plus quel collége porta toutes ses voix sur le roi lui-même, et lui décerna le mandat populaire. C’était un tour de Souabe, un de ces bons tours qui font que l’on ne sait jamais si l’on doit rire de l’auteur ou du patient, tant il y a de naïveté dans la malice ou de malice dans la naïveté. D’une façon comme de l’autre, ce n’était pas la marque d’une éducation fort avancée en matière constitutionnelle.

Les évènemens de juillet et la guerre de Pologne produisirent dans toute l’Allemagne un ébranlement auquel le Wurtemberg ne pouvait pourtant échapper ; les élections de 1831 s’étaient ressenties du contrecoup de ces grandes commotions ; un nouvel esprit s’était développé comme par miracle dans le corps électoral, et la chambre qui sortit de ce scrutin quasi-révolutionnaire s’annonça sous les auspices de noms si compromettans, qu’au lieu de la réunir tout de suite on la prorogea jusqu’en 1833. On ne perdit pas pour attendre : il y avait là des démagogues de 1824 à peine lavés par une amnistie des sentences capitales qui les avaient frappés, des hommes auxquels le roi refusa publiquement de donner la main, des ennemis déclarés du régime bureaucratique et de la prérogative absolue. A peine la session commencée, la chambre fut dissoute, et le roi en appela au pays par une proclamation qui distinguait profondément les députés du pays lui-même et supprimait tout intermédiaire légal entre la personne du prince et la masse de ses sujets. Ce fut un coup d’état. La seconde session de 1833 se trouva bientôt aussi calme que la première avait menacé d’être turbulente ; l’opposition ne comptait plus que dix-neuf membres ; fatigués d’un rôle inutile, réduits à l’impuissance, ils finirent par se décourager, et aucun d’eux ne se remit sur les rangs aux élections de 1839. Pour celles-ci, le gouvernement n’eut pas raison à moitié : de 1839 à 1844, la chambre lui appartint tout entière ; il n’y