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gue, constituée en état indépendant, se souvient de l’Espagne, et lui demande des secours contre une odieuse et trop longue oppression : cela n’a rien que de fort naturel, et peut rendre à la Péninsule, dans les affaires du Nouveau-Monde, une importance inattendue.

Il ne serait pas non plus impossible que la nouvelle révolution accomplie au Mexique par le général Paredès eût pour effet de réveiller dans ce malheureux pays l’ancienne pensée d’une organisation monarchique sous un prince espagnol. Le haut clergé et les grands propriétaires, si puissans au Mexique, n’ont abandonné cette espérance qu’à regret, et le général Paredès paraît représenter des intérêts analogues. L’Europe ne pourrait que voir avec satisfaction toute tentative qui aurait pour but d’arracher le Mexique à l’anarchie et à l’isolement où il se confine. L’établissement d’un lien avec son ancienne métropole ne saurait éveiller aucune susceptibilité, et ce serait peut-être le moyen le plus sûr de débarrasser la reine Isabelle de celui de ses prétendans qui demande sa main dans les journaux. Si un tel prince est jamais appelé à monter sur un trône, ce ne peut être que sur celui du Mexique.


— Il y a trois ans environ, M. X. Marmier donnait dans cette Revue l’analyse d’un poème auquel ne manquait aucun genre d’intérêt[1]. C’était une grande nouveauté, car rien n’en avait encore transpiré en France, et cependant ce poème remonte à des temps bien loin de nous ; il retrace sous une face nouvelle l’aimable simplicité du monde naissant ; c’est une de ces fleurs primitives qui ont conservé sous la couche des siècles leur senteur et leur éclat. Le Kalewala vient aussi, et ce n’est pas là son moindre mérite, d’une de ces contrées sombres et glacées où l’on eût pu croire que la poésie ne se hasarde guère ; mais la poésie n’est pas si délicate qu’on le pense ; elle ne tremble pas toujours à l’aspect des frimas, comme la muse d’André Chénier. Grace à l’isolement dans lequel elle a vécu, la Finlande a conservé plus fidèlement qu’aucun autre pays le dépôt de ses vieilles traditions et l’empreinte de son caractère national. Le Kalewala en est l’expression fidèle ; et comment ne le serait-il pas ? Ce n’est pas l’œuvre d’un homme, c’est le travail collectif de tout un peuple pendant une longue série d’années. Or, un peuple ne peut ni mentir, ni se tromper ; s’il chante, c’est pour exprimer ses désirs et ses craintes, ses joies et ses douleurs.

On n’en est plus réduit aujourd’hui à quelques citations, à une simple analyse du Kalewala. M. Leouzon-Leduc vient de donner la traduction du, poème[2]. M. Leduc est familier avec les idiomes du Nord ; le séjour qu’il a fait en Finlande, les secours dont il s’est entouré, doivent rassurer pleinement sur la fidélité de sa version. Par malheur, il s’est un peu pressé de faire

  1. Voir la Revue des Deux Mondes du 1er octobre 1838.
  2. La Finlande, son histoire, sa poésie lyrique, avec la traduction du Kalewala ; 2 –vol. in-8o, chez Jules Labitte.