Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/732

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laquelle la grandeur de l’ensemble finit par couvrir la contradiction des détails.

Il y a, dans le projet soumis à la chambre des communes par sir Robert Peel, deux parties bien distinctes. Le premier ministre ne s’est pas borné à régler la difficulté capitale du moment. Poursuivant la réforme des tarifs commerciaux, réforme que Huskisson avait entamée à une époque où elle n’était pas sans péril, et que tous ses successeurs avaient continuée, chacun dans la mesure de ses lumières ou de ses forces, sir Robert Peel fait main basse sur ce qui reste encore des droits prohibitifs. Le tarif des douanes, conçu originairement dans un système de protection, est converti en instrument fiscal, en moyen de revenu. Tous les droits d’importation sont ramenés à un maximum de 10 à 15 pour 100 pour la valeur, et cela pour les marchandises de grosse consommation comme pour les objets de luxe, pour les produits dans lesquels l’infériorité du travail britannique est manifeste, aussi bien que pour les articles dans lesquels il défie la concurrence du monde entier. Sir Robert Peel ouvre le marché anglais à l’industrie étrangère, sans exiger, sans attendre même aucune réciprocité. C’est un exemple et une leçon qu’il donne aux peuples civilisés du continent, qui se traînent dans l’ornière mercantile. Peut-être aussi fallait-il que la nation qui avait fait la première la faute de s’envelopper d’une barrière infranchissable au commerce l’expiât aussi la première, et qu’elle en offrît la plus complète réparation.

Cette immense réforme se trouve déparée par quelques taches sur lesquelles je demande à ne pas insister. Peut-être encore les motifs n’ont-ils pas été aussi purs que la mesure est grande et bienfaisante. Sir Robert Peel a voulu faire payer au parti manufacturier le triomphe que celui-ci obtenait sur le parti agricole. Il a pris au mot les agitateurs qui demandaient la liberté de commerce la plus illimitée. Les manufacturiers avaient coutume d’alléguer qu’ils ne pouvaient pas lutter avec l’industrie étrangère, tant que leurs ouvriers paieraient le pain plus cher qu’on ne le paie aux États-Unis, en France ou en Allemagne. Sir Robert Peel, rétorquant ce raisonnement, a déclaré que les agriculteurs ne pouvaient pas produire le blé au prix de la Saxe ou de la France, tant que leurs vêtemens, leur ameublement et leurs constructions leur coûteraient plus cher qu’ailleurs. Ainsi quelques-uns réclamaient les avantages du bon marché, il en fait jouir tout le monde.

Le projet de loi stipule, en faveur de la propriété foncière, des compensations qui n’ont d’autre inconvénient que d’entamer, par les