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deux séries existent des familles entières que les botanistes et les zoologistes se disputent depuis des siècles, et dont leurs efforts combinés n’ont pu déterminer encore la nature ambiguë. Mais c’est principalement dans les divers modes de reproduction, et pendant les premiers temps de l’existence, que se montrent les rapports les plus multipliés, les plus intimes. On dirait que, dans l’accomplissement de l’acte où se manifeste le plus immédiatement sa puissance, la vie ne veut employer partout que des moyens identiques, et qu’au moment d’animer la matière brute elle hésite et ne sait trop encore si elle fera du nouvel être un animal ou un végétal.

Rappelons quelques exemples pour mieux faire saisir ces rapports. On sait que chez les animaux, dans le plus grand nombre des cas, le concours de deux agens est nécessaire pour assurer la perpétuité des espèces. Il en est de même chez les végétaux. Ici les fleurs, réalisant d’ordinaire une des plus gracieuses fictions de la mythologie païenne, sont à la fois mâles et femelles. Autour du pistil qui recèle l’ovule se groupent les étamines dont le pollen doit féconder ce germe et en déterminer le développement sous forme de graine ou de fruit. Dans les plantes qui réunissent ainsi les deux sexes, chaque corolle est un lit nuptial où s’accomplissent les plus secrets mystères de l’amour. Souvent aussi les sexes sont séparés. Portées tantôt sur le même arbre, tantôt sur des arbres différens, les fleurs mâles et les fleurs femelles sont obligées de compter sur un intermédiaire, et, pour que l’épouse devienne mère, il faut que le souffle des vents lui apporte les émanations vivifiantes de l’époux. Tous ces degrés divers se retrouvent dans le règne animal. Là aussi, pour beaucoup d’espèces, la fable du fils de Vénus et d’Hermès devient une réalité, et se complique même des circonstances les plus inattendues. Là aussi, bien souvent, les mouvemens de la vague ou le courant des fleuves doivent remplacer l’haleine des zéphyrs et suppléer à un rapprochement impossible entre des individus fixés comme des plantes sur le sol qui les vit naître.

On pourrait toutefois signaler entre les animaux et les plantes, sous le rapport dont nous parlons, une différence assez remarquable. Chez les premiers, les sexes se reconnaissent en général pendant toute la vie à des caractères extérieurs ou intérieurs. Il n’en est pas de même pour les végétaux. Le dattier mâle et le dattier femelle germent et grandissent l’un à côté de l’autre, en tout semblables entre eux jusqu’au moment où l’apparition des fleurs révèle leurs destinations diverses. Les syllis nous présentent un fait tout pareil. En temps ordinaire, on ne trouve chez elles que des individus que rien ne distingue