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et comme des tiges qui pousseraient des bourgeons, ils donnent également naissance aux individus secondaires. Chez ces derniers seulement se prononcent les caractères des sexes, se développent les œufs et le liquide qui doit féconder ces germes d’une nouvelle génération ; mais les petits qui sortent de ces œufs ne reproduisent pas les traits de leurs parens immédiats : c’est aux individus primitifs qu’ils ressemblent. Ainsi, chez les animaux dont nous parlons, jamais les fils ne présentent les caractères du père et de la mère.

Voici des faits plus étranges encore. Depuis long-temps les zoologistes, toujours guidés par les caractères extérieurs, ont admis dans l’embranchement des animaux rayonnés deux classes distinctes dont l’une renferme les acalèphes, l’autre les polypes. Dans la première se trouve la grande famille des méduses, dont nous avons parlé plus haut. Parmi les polypes, la famille des hydraires renferme des animaux presque toujours fixés, groupés en colonies, réunis par une partie commune, tantôt semblable à la tige traçante de certaines plantes, tantôt ramifiée en arbrisseaux, tantôt enfin étendue comme une sorte ; de plaque et recouverte par des polypes serrés comme les brins d’une touffe de gazon. Eh bien ! il résulte des découvertes de MM. Sars, Löwen, Van-Bénéden, Siebold, que certains polypes hydraires ne sont qu’une des formes transitoires que doivent revêtir quelques méduses pour arriver à leur état définitif.

Qu’on ne croie pas qu’il s’agisse ici de métamorphoses comparables à celles des insectes. Chez ces derniers, de chaque germe ou rouf sort une larve qui, tour à tour ver, chenille, chrysalide ou papillon, conserve toujours son individualité propre. Chez nos rayonnés, les phénomènes sont bien autrement complexes. L’œuf d’une méduse donne d’abord naissance à une larve ovoïde, ciliée, très semblable à certains infusoires. Après avoir joui quelque temps de sa liberté, cette larve se fixe, se déforme, s’allonge, et devient une tige de polypier hydraire, sur laquelle poussent, comme autant de feuilles, un nombre indéterminé de polypes bien caractérisés. Puis, un beau jour, sur cette même tige, naissent de nouveaux bourgeons, qui, au lieu de présenter la forme des polypes, prennent peu à peu les caractères des méduses. D’abord adhérens, ces bourgeons se détachent enfin, et, devenus de véritables acalèphes, ils abandonnent leurs frères fixés et commencent leur vie vagabonde, tandis que le polypier qui leur donna naissance continue à végéter sur place et à pousser de nouveaux polypes. Ainsi, chez les rayonnés qui nous occupent, un seul et même germe, après s’être modifié une première fois, devient l’origine