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nous permettre de leur assigner une place dans nos cadres zoologiques.

Des trois naturalistes de l’expédition, je me trouvai le plus mal partagé. Pendant tout le temps de notre séjour à Santo-Vito, je ne vis pas un seul mollusque phlébentéré ; les annélides même étaient rares. Cependant je pus commencer sur un genre appartenant à ce groupe un travail terminé plus tard, et mettre sous les yeux de mes compagnons les faits curieux que j’avais découverts sur les côtes de la Manche, pendant mon séjour à Bréhat, relativement au mode de propagation des syllis. D’après les observations de Muller, ancien zoologiste danois, on croyait que ces petites annélides errantes, de deux à trois pouces de long, étaient fissipares, c’est-à-dire que chez elles un individu, d’abord unique, pouvait se partager en deux moitiés qui, acquérant bientôt, l’une sa tête, l’autre sa queue, formaient ainsi deux individus parfaits destinés à vivre d’une manière toute semblable. Ce mode de génération, assez commun chez les animaux les plus simples, était déjà très remarquable pour les syllis, dont l’organisation est assez compliquée ; mais chez elles les choses se passent bien différemment.

Lorsqu’une syllis veut se reproduire, il se forme à sa partie postérieure une suite d’anneaux dont le plus avancé s’organise bientôt en une tête ayant ses yeux et ses antennes. Les deux annélides, mère et fille, restent cependant réunies par la peau et par l’intestin, en sorte que la dernière ne profite que des résidus de la nourriture avalée par la première. Pendant cette période de son existence, la syllis de nouvelle formation manifeste, par ses mouvemens, qu’elle jouit d’une vie et d’une volonté propre, car souvent j’ai pu reconnaître qu’il y avait lutte entre les deux, chacune voulant aller de son côté. En pareil cas, celle qui avait poussé comme une sorte de bourgeon était presque toujours vaincue, et finissait par être entraînée. C’est pourtant à cette dernière, et à elle seule, qu’est réservé le soin d’assurer la conservation de l’espèce. Au bout d’un certain temps, on la voit se remplir d’œufs en nombre tellement considérable, que son diamètre en est presque doublé, tandis qu’il ne s’en montre pas un seul dans l’intérieur du corps de l'individu souche.

Lorsque ces veufs ont acquis un certain développement, la division devient complète, et la nouvelle syllis jouit enfin de sa liberté ; mais bientôt les roufs, grossissant toujours davantage, se trouvent trop à l’étroit ; le corps se rompt, et l’animal meurt en laissant échapper les germes qui lui étaient confiés. Tous ces phénomènes s’accomplissent