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plaît d’accorder. » À ce curieux petit billet daté de 1646, et qui ne laisse pas douter de sa persistance dans la dévote ferveur de ses premières années, il ajoute cet étrange post-scriptum : « Le jour de vigile-jeûne, on a posté deux cents hommes de cavalerie et d’infanterie dans Covent-Garden, pour nous empêcher, « nous autres soldats (us soldiers), » de couper le cou des presbytériens. Voilà de beaux tours que l’on joue à Dieu !

Lui-même logeait assez près de Covent-Garden, et sans doute les deux cents hommes postés par les communes, pour défendre le parlement et le presbytéranisme, auront passé sous sa fenêtre. Il a marié ses deux filles, Élisabeth et Brigitte, cette dernière au général Ireton, le républicain. Il aime beaucoup Brigitte, qui est une fille sérieuse et résolue, et il trouve le temps, vers cette époque, de lui envoyer de petits sermons épistolaires dont voici un échantillon.


A ma fille bien-aimée Brigitte Ireton, à Cornbury, au quartier-général, cette lettre.

« CHÈRE FILLE,

« Je n’écris pas à ton mari, qui, lorsqu’il revoit une ligne de moi, m’en renvoie des milliers, ce qui le fait veiller fort tard… Ensuite, j’ai d’autres affaires à soigner maintenant.

« … Votre sœur Claypole est exercée par quelques pensées troublées. Elle voit sa propre vanité et les torts de son esprit charnel ; déplorant quoi, elle cherche, je l’espère au moins, cela seul qui satisfait. Chercher ainsi, c’est prendre la première place après ceux qui trouvent. Tout fidèle et humble cœur qui cherchera bien sera sûr de trouver à la fin. Heureux qui cherche ! Heureux qui trouve ! Qui jamais a goûté les graves du Seigneur, sans bien comprendre notre vanité, égoïsme et méchanceté ? Qui jamais a goûté cette grace et n’en a pas désiré et ardemment sollicité la pleine jouissance ? Cher cœur, sollicite bien. Que ni ton mari, ni rien ne refroidisse ton affection pour le Christ. J’espère que ton mari ne sera pour toi qu’un stimulant religieux. Ce que tu dois aimer en lui, c’est l’image du Christ qu’il porte. Vois cela, préfère cela, et tout le reste pour cela. Je prie pour toi et lui. Prie pour moi…

« Ton père,

« OLIVIER CROMWELL. »


Cet homme est resté le même depuis la solitude de Saint-Yves ; la guerre, la renommée, les mouvemens politiques, ne l’ont pas changé. Après avoir vaincu le roi qui est en prison, la chevalerie qui se soumet