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préparatoires, le temps se consumait en ridicules querelles d’étiquette. Ainsi, en 1560, on débattit gravement la question de savoir si le duc de Guise devait porter haut son bâton de grand-maître, et s’il n était pas injurieux pour les états qu’il le tint entre ses jambes.

Le surlendemain de la séance royale, les trois ordres commençaient séparément la rédaction de leurs cahiers de doléances, car aucune unité ne régnait dans leurs travaux. Quand la rédaction était terminée, ils députaient au roi pour lui demander le jour et l’heure où il lui plairait de les recevoir. La séance de réception des cahiers était aussi la séance de clôture ; le roi ne manquait pas de promettre une réponse favorable aux doléances qu’on lui présentait, et l’assemblée était dissoute sans avoir reçu d’autre garantie que cette promesse presque toujours illusoire, à moins que des circonstances impérieuses ne forçassent à accorder quelque satisfaction momentanée aux réclamations des trois ordres.

Ordinairement après et quelquefois avant la session, s’agitait entre les députés et leurs électeurs une question bien souvent discutée de nos jours, celle de l’indemnité due aux représentans de chaque ordre. Cette indemnité, pour les députés du tiers, variait de 4 à 10 ou même 15 livres par jour, et s’acquittait au moyen d’une taxe spéciale. Bien qu’elle fût admise en principe, elle donnait souvent lieu à des scènes fort désagréables pour ceux qui la réclamaient. En 1593, les états de Bourgogne la refusèrent, sous prétexte « qu’il n’était rien dû aux députés pour la belle besogne qu’ils avaient faite. »

Tout en rendant justice à l’ordre et à la clarté qui règnent dans le livre de M. Rathery, nous signalerons pourtant quelques lacunes importantes. On y sent trop l’absence d’aperçus généraux, et, s’il s’en rencontre par hasard, l’auteur, au lieu de les tirer de son propre fonds, les a empruntés à des écrivains modernes. Nous regrettons qu’il ait parlé aussi brièvement du vote des impôts, de l’éloquence parlementaire, et surtout de l’influence immense que les états durent exercer, à différentes époques, sur l’esprit public. M. Boullée a essayé d’envisager la question à ce dernier point de vue ; mais, comme il n’a fait que l’effleurer, nous ne pouvons guère lui savoir gré que de ses bonnes intentions ; et, bien que son ouvrage ne soit pas sans mérite, le public ratifiera certainement le jugement de l’Académie, qui a décerné le prix à M. Rathery, et seulement une mention honorable à son concurrent. L. L.


UNE SAISON AUX BAINS DU CAUCASE, traduit de Lermontoff, par M. Léouzon Le Duc[1]. — On se souvient de Pelham, ce vif et charmant portrait où il semble que Bulwer ait voulu marier la verve d’Hogarth à la grace de Lawrence. Il y a dans cette confession d’un dandy anglais des pages d’une vérité si naïve, qu’on sait bonne grace au romancier de n’ajouter aucun commentaire et de s’effacer derrière son héros. Le lecteur n’a pas besoin qu’on lui explique ce singulier caractère ; il en comprend, dès les premiers chapitres,

  1. Un volume in-8o, chez Jules Labitte, passage des Panoramas.