Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/557

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment l’université ; j’ai la conviction que le respect dû à la religion, aux croyances religieuses, le soin de les favoriser, de les développer, ont toujours préoccupé la pensée de l’ancien conseil royal. » M. Guizot proclame aussi que le conseil royal n’a jamais été tyrannique. Il semble donc qu’il avait toutes les raisons possibles pour arrêter le bras de son collègue, M. le ministre de l’instruction publique. Malheureusement, quand M. de Salvandy demanda à M. Guizot son adhésion, son appui pour la mesure qu’il projetait, ce dernier fut moins frappé de l’innocence du conseil que des avantages que pouvait offrir à sa politique cette espèce de coup d’état. En détruisant le conseil pour le réorganiser sur d’autres bases, on faisait aux adversaires de l’université une concession dont on espérait recueillir les fruits ; on se donnait les apparences de l’impartialité.

Quand M. le ministre des affaires étrangères affirme à la tribune qu’il ne veut pas éluder les promesses de la charte, quand il se déclare le partisan d’une liberté raisonnable de l’enseignement, nous croyons à la sincérité de son langage ; dans la sphère des croyances morales, M. Guizot aime franchement la liberté. Il veut aussi maintenir les droits de l’état sur l’enseignement public, nous en sommes convaincus. Enfin il annonce qu’il s’emploiera tout entier à conserver dans le pays la paix religieuse : c’est le devoir de tout gouvernement. Ces trois résultats sont également désirables, et les pouvoirs publics, aussi bien que le pays, doivent y tendre d’un commun accord ; mais nous doutons que la route prise par le ministère pour y arriver soit la meilleure.

Qui prononcera ? L’avenir. C’est à l’avenir que s’est référé M. Thiers, et M. Guizot a accepté ce renvoi à un avenir qu’il se flatte de ne pas voir arriver si tôt. En effet, M. le ministre des affaires étrangères n’a pas dissimulé que, pour vaincre les obstacles qu’il rencontrait dans l’œuvre de la pacification religieuse, il lui fallait beaucoup de sagesse et pas mal de temps. Le temps, a-t-il ajouté, nous le prendrons, nous le prendrons tant qu’il le faudra. Il faut que jusqu’à présent M. le ministre des affaires étrangères ait obtenu peu de chose, car son langage a été fort modeste. Est-il même certain que le principe de la dissolution de la société de Jésus ait été admis par le gouvernement romain ? Ne serait-il pas plus vrai que la cour de Rome est restée, sur ce point, dans les termes de la neutralité la plus entière ? Quelle que soit l’habileté du diplomate qui nous représente auprès du saint-siège, elle ne peut changer le fond de la situation. Or, le ministère ne s’est-il pas mis, beaucoup plus que ne le lui conseillait la prudence, à la merci du bon vouloir d’un gouvernement étranger ? C’est ce qu’a laissé penser le résumé si concis par lequel l’honorable M. Thiers a clos le débat.

Les développemens qu’ont reçus les débats ouverts sur la conduite administrative du cabinet et sur l’instruction publique ont dû momentané aient faire rejeter au second plan les questions de politique extérieure. Aucune d’entre elles d’ailleurs n’était en mesure de provoquer une résolution impor-